
D’année en année, le constat est le même : notre profession ne cesse de se paupériser et de perdre du pouvoir d’achat, les employeurs refusant de revaloriser les grilles de salaires à hauteur de l’inflation et mettant en péril l’attractivité de la profession.
Depuis 2022, nous avons connu une véritable explosion de l’inflation : les prix ont augmenté de plus de 10% en moyenne. Ceux de l’énergie de plus de 30%, les produits alimentaires de 19,4%, les services de 6,6%. Et nos salaires ? Les quelques augmentations octroyées restent bien en deçà de ces chiffres, et la perte de notre pouvoir d’achat ne cesse de s’accroître.
Certes, face à cette poussée inflationniste, les employeurs des différentes formes de presse se sont vus contraints de reprendre des négociations salariales de branche, mais à minima, sans prendre les mesures salariales d’urgence qu’imposait la situation. Leur principale préoccupation a été de maintenir les salaires d’embauche au niveau du SMIC, comme la loi le leur impose, mais sans répercuter cette augmentation sur l’ensemble des salaires, ce qui remet en cause le principe même de déroulement de carrière.
Résultat : Nous nous retrouvons aujourd’hui dans une situation où la plupart des grilles minimales de salaires débutent juste au niveau du SMIC et où les progressions salariales sont de plus en plus limitées.
Le Congrès affirme que ce n’est pas aux salariés de payer les choix économiques des dirigeants dictés par les seuls intérêts financiers et comptables de leurs entreprises. Pour ces employeurs, tous les prétextes sont bons pour refuser les augmentations de salaire alors que leurs entreprises se voient offrir par l’Etat, et singulièrement pour les plus grosses d’entre elles, plusieurs centaines de milliards d’euros en aides diverses.
À quoi ont servi ces milliards si ce n’est d’abord à accroître les bénéfices des actionnaires, la spéculation et la fortune des plus riches. En 2024, les entreprises françaises ont été celles qui, en Europe, ont versé le plus de dividendes à leurs actionnaires (68,8 milliards d’euros), 92 % des entreprises françaises ont augmenté leurs dividendes. N’y aurait-il pas parmi elles de nombreuses entreprises de presse ? Pourtant, les licenciements, les restructurations n’ont pas cessé, les besoins sociaux n’ont pas été satisfaits, et les salaires n’ont pas augmenté, bien au contraire !
Ce blocage de fait des rémunérations n’est pas nouveau : aujourd’hui, un journaliste en CDI gagne peu ou prou le même salaire qu’il y a 20 ans. Sous l’effet conjugué du blocage des salaires, de l’individualisation et de la précarité, on assiste à une véritable paupérisation de la profession.
Partisan du retour à l’échelle mobile des salaires, le SGJ-FO revendique au minimum l’indexation générale de tous les salaires et des piges sur l’augmentation du niveau du SMIC.
Compte-tenu de l’urgence persistante de la question salariale, il revendique une augmentation immédiate de 5% des barèmes minimum des salaires, et pour les piges un prix minimum du feuillet revalorisé à 60 euros.
Il exige des employeurs que cette augmentation s’applique sur les salaires réels versés par les entreprises.
Le Congrès appelle ses sections à élaborer dans chaque rédaction leurs revendications pour des augmentations collectives, rompant avec l’individualisation des salaires en vigueur, et à décider des actions pour les faire aboutir. La politique salariale des entreprises ne saurait se résumer à l’octroi de primes de circonstance (prime dite Macron par exemple) ou au « mérite ». Le Congrès rejette également la politique visant à octroyer des enveloppes globales d’augmentation que les syndicats auraient à ventiler entre les différentes catégories de salariés. C’est la négation des revendications. C’est la voie de la division et de l’injustice. Nous réaffirmons que toute augmentation des rémunérations doit donner lieu à cotisations sociales, alimentant le salaire différé notamment en vue de la retraite. De même, elle doit se répercuter sur l’ensemble des éléments de salaire : prime d’ancienneté, 13e mois…
Déterminé à faire respecter le principe à travail égal – salaire égal, le Congrès exige une égalité effective des rémunérations et des évolutions de carrière des femmes et des hommes. Malgré l’obligation de négocier l’égalité professionnelle, à peine, la moitié des entreprises ont signé des accords de ce type ou mis en place des plans d’action. Et trop souvent, ces accords se limitent à l’affirmation de principes généraux et à des mesures cosmétiques et tape-à-l’œil qui ne règlent en rien les écarts existants.
Rappelons que l’écart salarial, au niveau national, est encore aujourd’hui de 23% en défaveur des femmes, plus nombreuses à travailler à temps partiel et davantage victimes de la précarité et du chômage. Ce qui veut dire pour elles salaire partiel et retraite partielle.
Le Congrès refuse tout accord ou tout dispositif qui introduirait un double statut dans une même entreprise pour un même poste de travail, par exemple entre des salariés déjà en poste et des salariés entrants.
Il exige pour les journalistes entrant dans la profession l’application des dispositions de la Convention collective leur accordant le statut de stagiaire 1re ou 2e année et un salaire minimum conventionnel.
Le Congrès demande également la revalorisation de l’allocation pour frais d’emploi de 7 650 euros dont le montant n’a pas évolué depuis sa création en 1997. Elle réclame également son indexation sur l’augmentation générale des prix. Face à tous les tenants de la politique du rabot qui voudraient le considérer comme une niche fiscale, le Congrès rappelle que cette allocation fait partie intégrante de notre statut de journaliste professionnel.
Le Congrès réaffirme son attachement à une juste rémunération des reproductions des œuvres des journalistes fondée sur une application rigoureuse du Code de la propriété intellectuelle et de la Convention collective (articles 7, 8, 9).
Cinq ans après son entrée en vigueur, l’application de la loi sur les droits voisins pour les journalistes (article L 218-5 du Code de la propriété intellectuelle) reste totalement embryonnaire, ce qui constitue un véritable scandale démocratique. Le nombre d’éditeurs et d’agences de presse s’acquittant de cette obligation reste infime. Le nombre d’accords signés dans les entreprises est ridicule et les représentants des journalistes se heurtent à d’innombrables difficultés pour faire appliquer la loi et faire valoir leurs droits.
Dès le départ, les éditeurs ont fait le choix de refuser tout accord de branche avec la volonté manifeste d’en restreindre la portée et surtout le coût financier pour les entreprises, tout en maintenant l’opacité sur les revenus générés pour eux par les droits voisins. D’où leur volonté d’imposer une rémunération forfaitaire, souvent assortie d’un plafond, au lieu d’un pourcentage des sommes reçues des GAFAM. Cette difficulté s’est également retrouvée dans les négociations en entreprise.
Le Congrès dénonce l’opacité entretenue par les employeurs sur les montants en jeu au nom du secret des affaires et de la confidentialité de certains contrats et exige l’instauration dans la loi d’une véritable obligation de transparence, telle que prévue par le chapitre 4 de l’article L-218-5 : que les journalistes et auteurs reçoivent au moins une fois par an « des informations actualisées, pertinentes et complètes sur les modalités de calcul de la part appropriée et équitable qui leur est due ».
Il se félicite de l’action de la CDADV qui a contribué à aboutir à des accords mieux disant que ceux que voulaient initialement imposer les éditeurs et dénonce les manœuvres dilatoires et les procédures judiciaires des employeurs qui tentent ainsi d’échapper aux obligations qui sont les leurs.
Le Congrès revendique que la loi fixe au minimum à 30%, comme en Allemagne, la part « appropriée et équitable » due aux journalistes professionnels (au sens de la Convention collective des journalistes) au titre des droits voisins perçus par les éditeurs.
28e Congrès du SGJ-FO, Paris les 26, 27 et 28 mars 2025.
