Résolution générale – 27e Congrès du SGJ-FO

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Amiens – 6,7 et 8 avril 2022

Le 27e Congrès du Syndicat général des Journalistes Force Ouvrière, réuni les 6, 7 et 8 avril 2022 à Amiens, réaffirme sa détermination à combattre pied à pied pour la défense des intérêts matériels et moraux des journalistes, et la préservation de toutes les dispositions de leur Convention collective nationale de travail.

Face au déchaînement des attaques contre le monde du travail, qu’elles émanent du pouvoir politique ou du patronat, le SGJ-FO réaffirme son attachement au syndicalisme libre et indépendant, fondé sur la défense des intérêts des seuls salariés, ceux qui n’ont que leur travail pour vivre, sur la base des revendications qu’ils ont eux-mêmes définies et la recherche de l’unité d’action la plus large pour les faire aboutir.

La liberté et l’indépendance syndicale sont à la base de toutes les actions revendicatives du SGJ-FO dans la négociation comme dans l’action. Cela suppose notamment que le syndicalisme ne saurait s’associer à l’élaboration ou la mise en place des plans gouvernementaux ou patronaux visant à la remise en cause ou à la liquidation des conquêtes sociales et des libertés publiques.

La congrès considère en particulier que le rôle du syndicat n’est en aucune manière de participer à l’élaboration des mesures visant à supprimer des emplois dans les entreprises, à réduire le coût du travail, ou à imposer des accords ou dispositions dérogeant à notre Convention collective.

À BAS LA GUERRE ! VIVE LE SYNDICALISME ! PLACE AUX REVENDICATIONS !

Fidèle aux plus grandes traditions du mouvement syndical contre la guerre, «pour le pain, la paix, la liberté», le congrès du SGJ-FO affirme qu’il ne peut y avoir qu’une seule réponse à la situation en Ukraine : le cessez-le-feu immédiat sans conditions.

Le congrès réaffirme sa condamnation de la guerre qui sévit en Ukraine à la suite l’invasion de ce pays par l’armée russe. Il assure les confrères d’Ukraine, les travailleurs et la population d’Ukraine écrasés sous les bombes de sa profonde solidarité. Il assure aussi les confrères et militants russes emprisonnés, tous les travailleurs russes victimes de la répression ou des conséquences économiques de la guerre, de sa solidarité.

Aucun tir, aucune bombe, aucun char, aucun avion militaire ne servira quelque travailleur que ce soit. Les travailleurs, les populations sont toujours les premières victimes des guerres qu’ils n’ont pas voulues. La débauche d’armes et l’escalade militaire ne serviront qu’une cause : celle des vendeurs d’armes et des puissances capitalistes concurrentes à la recherche de nouveaux marchés, qu’elles soient russes ou membres de l’OTAN.

Pour leur part, les travailleurs de France ne sont pas en concurrence avec les travailleurs des autres pays.

Le congrès du SGJ-FO a noté que les parlementaires européens, dans une quasi unanimité d’union sacrée, ont non seulement décidé de se jeter dans l’escalade militaire mais aussi appelé les Etats et donc les peuples à «reconnaître et accepter que des sanctions sévères à l’encontre de la Fédération de Russie auront inévitablement des effets négatifs sur leur situation économique». Le syndicalisme libre et indépendant ne saurait se ranger sur une telle position.

Le congrès du SGJ-FO se rapporte aux principes fondateurs de la Confédération générale du travail et de sa Charte d’Amiens qui prescrit l’indépendance du syndicat à l’égard de l’Etat, des partis et des employeurs. Le congrès rejette par avance toute tentative de l’Etat et des employeurs d’opposer quelque effort de guerre aux revendications des salariés et d’associer les syndicats à cette union sacrée.

AUGMENTATION IMMEDIATE DES SALAIRES : 10% POUR TOUS

Le Congrès affirme que ce n’est pas aux salariés de payer les choix économiques des dirigeants du pays dont le seul objectif est la satisfaction des intérêts des entreprises et de la finance. Sous prétexte de pandémie, les entreprises et notamment les plus grosses d’entre elles se sont vues offrir plusieurs centaines de milliards d’euros en aides diverses depuis 2020. A la faveur de la guerre en Ukraine, de nouvelles mesures du même type sont annoncées.

A quoi ont servi ces milliards si ce n’est d’abord à accroître les bénéfices des actionnaires, la spéculation et la fortune des plus riches. Les 42 milliardaires français, dont de nombreux patrons de presse, ont vu leur fortune globale augmenter de 89% en un an, pour atteindre aujourd’hui près de deux fois le budget annuel de la France (510 milliards d’euros). Pour autant les licenciements, les restructurations ont-ils cessé, les besoins sociaux ont-ils été satisfaits, les salaires ont-ils augmenté ? Pas du tout, bien au contraire ! Pour les salariés, il est de plus en plus difficile de joindre les deux bouts.

Aujourd’hui, alors que l’inflation a déjà atteint 4,5 % sur un an, la valse des étiquettes donne le vertige, le coût de l’énergie, des produits de première nécessité ne cesse de croître. Mais les salaires restent bloqués et les employeurs refusent toujours les mesures d’urgence salariales qui s’imposent.

Ce blocage de fait des rémunérations n’est pas nouveau: aujourd’hui un journaliste en CDI gagne peu ou prou le même salaire qu’il y a 20 ans. De nombreuses grilles affichent des premiers paliers de rémunération au niveau voire au-dessous du SMIC. Sous l’effet conjugué du blocage des salaires, de l’individualisation et de la précarité, on assiste à une véritable paupérisation de pans entiers de la profession.

Certaines branches sont restées parfois plus de 10 ans sans entamer la moindre négociation salariale. Les rares et maigres augmentations indiciaires octroyées l’ont été principalement en faveur des salariés ayant les plus basses rémunérations, pour les maintenir – pour un temps – au niveau du SMIC. Résultat : on assiste de plus en plus à un tassement des grilles et des piges, ce qui remet en cause le principe même de déroulement de carrière.

Le SGJ-FO réaffirme sa revendication d’augmentation générale des salaires et des piges fondée sur un même pourcentage pour tous.

Compte-tenu de l’urgence de la question salariale, il décide de s’adresser à l’ensemble des organisations patronales de la profession pour exiger une augmentation immédiate de 10% des barèmes minimum des salaires et des piges, avec un prix minimum du feuillet revalorisé à 60 euros.

Il exige des employeurs que cette augmentation s’applique sur les salaires réels versés par les entreprises.

Le Congrès appelle ses sections à élaborer dans chaque rédaction leurs revendications pour des augmentations collectives, rompant avec l’individualisation des salaires en vigueur, et à décider des actions pour les faire aboutir. La politique salariale des entreprises ne saurait se résumer à l’octroi de primes de circonstance (prime dite Macron par exemple) ou au «mérite». Le Congrès rejette également la politique visant à octroyer des enveloppes globales d’augmentation que les syndicats auraient à ventiler entre les différentes catégories de salariés. C’est la négation des revendications. C’est la voie de la division et de l’injustice. Nous réaffirmons que toute augmentation des rémunérations doit donner lieu à cotisations sociales, alimentant le salaire différé notamment en vue de la retraite. De même, elle doit se répercuter sur l’ensemble des éléments de salaire: prime d’ancienneté, 13e mois….

Déterminé à faire respecter le principe à travail égal – salaire égal, le Congrès exige une égalité effective des rémunérations et des évolutions de carrière des femmes et des hommes. Malgré l’obligation de négocier l’égalité professionnelle, à peine 40% des entreprises ont signé des accords de ce type ou mis en place des plans d’action. Et trop souvent, ces accords se limitent à l’affirmation de principes généraux et à des mesures cosmétiques et tape-à-l’œil qui ne règlent en rien les écarts existants.

Rappelons que l’écart est encore aujourd’hui de 23% en défaveur des femmes qui sont en outre davantage victimes de la précarité et du chômage.

Le Congrès refuse tout accord ou tout dispositif qui introduirait un double statut dans une même entreprise pour un même poste de travail, par exemple entre des salariés déjà en poste et des salariés entrants.

Il exige pour les journalistes entrant dans la profession l’application des dispositions de la Convention collective leur accordant le statut de stagiaire 1ère ou 2eme année et un salaire minimum conventionnel.

Le Congrès demande également la revalorisation de l’allocation pour frais d’emploi de 7 650 euros dont le montant n’a pas évolué depuis sa création en 1997. Elle réclame également son indexation sur l’augmentation générale des prix. Face à tous les tenants de la politique du rabot qui voudraient le considérer comme une niche fiscale, le Congrès rappelle que cette allocation fait partie intégrante de notre statut de journaliste professionnel.

Le Congrès réaffirme son attachement à une juste rémunération des reproductions des œuvres des journalistes fondée sur une application rigoureuse du Code de la propriété intellectuelle et de la Convention collective (articles 7, 8, 9).

Il exige que les négociations qui ont débuté dans plusieurs groupes de presse sur la répartition des droits voisins ne se fasse pas au détriment des journalistes. Le flou de la loi sur cette question – elle prône une «répartition juste, équitable et équilibrée» pour les auteurs -, l’opacité des accords signés entre les éditeurs et agences de presse et les GAFAM, notamment sur les sommes à répartir, ne doivent pas servir à bafouer les droits des journalistes. Le SGJ-FO appelle ses sections à se montrer extrêmement vigilantes sur cette question.

NON AUX SUPPRESSIONS D’EMPLOIS: UN DEPART, UNE EMBAUCHE

Depuis plus de 10 ans, le nombre de journalistes professionnels, titulaires de la carte de presse, ne cesse de diminuer. Selon les chiffres de la Commission de la carte, 34 476 cartes de presse ont été délivrées en 2021 (dont 400 cartes d’honoraires). On comptait 35 297 journalistes encartés en 2018 et encore 37 388 en 2009. La part des CDI parmi eux ne cesse de diminuer.

Si la précarisation n’est, en effet, pas étrangère à cette hémorragie, il est indéniable qu’elle a aussi pour cause les plans de suppressions d’emploi mis en œuvre ces dernières années, à l’occasion des incessantes restructurations, cessions et rachats de titres. Ces plans de suppressions de postes touchent aujourd’hui la quasi totalité des rédactions.

La pandémie que nous connaissons depuis près de trois ans a encore aggravé la situation, de nombreux employeurs profitant du premier confinement et du chômage partiel en découlant pour priver d’emploi des centaines de pigistes et de CDD, pour accélérer les restructurations.

Tandis que les partants vont souvent renforcer les rangs des chômeurs et des précaires, les rédactions voient leurs effectifs fondre, de près de moitié parfois, et ceux qui restent voient leur charge de travail s’alourdir, leurs conditions de travail se dégrader, la pression et le stress au travail s’amplifier, soumis qu’ils sont aux pressions productivistes, à l’urgence, aux restructurations incessantes mises en œuvre par les directions d’entreprises.

Le Congrès réaffirme sa revendication du maintien des effectifs de journalistes dans toutes les rédactions, sur la base d’une embauche pour un départ.

Il exige le maintien des embauches en CDI nécessaires dans les services et les rédactions confrontés à un sous-effectif flagrant.

Il se prononce pour le remplacement des journalistes titulaires en cas d’absence prolongée.

Le Congrès réaffirme son opposition à l’extension de la rupture conventionnelle à des accords collectifs, notamment dans le cadre d’une cession d’entreprise.

Il revendique que l’indemnité conventionnelle de licenciement définie par l’article L7112-3 du Code du travail – 1 mois de salaire brut (13/12e de mois) par année travaillée jusqu’à 15 ans d’ancienneté – reste la règle pour les ruptures conventionnelles comme pour toutes les formes de licenciements économiques ou les plans de départs volontaires.

Le Congrès se prononce pour le maintien et la défense de toutes les prérogatives de la Commission arbitrale des journalistes pour déterminer l’indemnité de licenciement due au-delà de 15 ans d’ancienneté. Il s’oppose notamment à tout plafonnement des indemnités.

Le Congrès estime que l’indemnité conventionnelle doit continuer à concerner tous les journalistes.

Le Congrès dénonce le comportement des employeurs qui entrave le bon fonctionnement de la Commission arbitrale des journalistes.

Le Congrès exige également qu’en cas de vente ou de fusion d’entreprises de presse le maintien de tous les contrats de travail reste la règle. S’il en fait le choix, tout journaliste doit pouvoir continuer à faire jouer la clause de cession, élément essentiel de son statut professionnel, et à quitter l’entreprise dans les conditions d’un licenciement à l’initiative de l’employeur, quelle que soit la nature juridique du titre pour lequel il travaille.

NON A LA PRECARITE, UN VRAI CONTRAT EN CDI POUR TOUS

Notre profession est de plus en plus marquée par la précarité et la paupérisation et si le nombre de journalistes encartés diminue c’est aussi parce que de plus en plus de salariés exerçant la profession se trouvent dans la précarité, et n’ont ni le statut nécessaire ni les revenus leur permettant d’obtenir la carte de presse. Et pourtant le «seuil» salarial a été abaissé par la Commission de la carte à un demi-smic par mois.

Obligés de trouver des «revenus complémentaires», souvent extérieurs au journalisme, pour vivre, payés en «droits d’auteur» ou à la prestation – ce qu’ils se voient contraints d’accepter pour pouvoir continuer à travailler – certains pigistes ne répondent plus aux critères de la Commission.

Privée de carte, la cohorte grandissante des pigistes et des précaires exerçant la profession subit en outre de plein fouet toutes les entraves au libre exercice au métier d’informer mises en place par les pouvoirs publics, notamment dans les manifestations.

Avec la pandémie, des centaines de pigistes et de précaires se sont retrouvés, parfois du jour au lendemain privés de travail, parfois de tout revenu. Certains ont certes pu bénéficier des mesures de chômage partiel, grâce à un décret obtenu par l’action syndicale, mais encore fallait-il que les employeurs jouent le jeu ce qui fût loin d’être le cas ! Fin 2020, on estimait entre 5000 et 6000 le nombre de pigistes concernés par des pertes de revenus par rapport à l’année précédente.

Le fonds d’urgence mis en place par le gouvernement  a permis d’accorder des aides à moins d’un millier d’entre eux. Montant moyen de l’aide, un peu plus de 3000 euros, pour un coût total d’environ 4 millions sur les 14,5 millions budgétés en 2021 !

On est bien loin des besoins ! Faut-il y voir le résultat du choix du gouvernement de confier la gestion de ces aides d’urgence à un cabinet privé de conseil, le cabinet Deloitte. Dans un récent rapport la Commission d’enquête du Sénat sur les relations entre l’Etat et les cabinets privés s’est interrogée sur la place occupée par ces cabinets de conseil, souvent champions de l’optimisation et de l’évasion fiscales, et surtout sur les coûts engendrés pour les finances publiques par leurs prestations. La Commission sénatoriale évoque explicitement la gestion du fonds d’aide aux pigistes. Le SGJ-FO exige que toute la lumière soit faite sur les conditions d’attribution de cette mission au cabinet Deloitte.

Si l’aide d’urgence a néanmoins été la bienvenue pour la minorité des pigistes concernés, elle  ne règle en rien une situation dont la responsabilité première incombe aux employeurs qui refusent toujours de considérer les pigistes comme des journalistes en CDI et font le choix de les employer et de les rémunérer aux conditions qu’ils jugent les plus avantageuses pour eux, au mépris de la Convention collective.

Et la tendance ne fait que s’aggraver, au rythme de l’allongement de la liste des statuts précaires : auto-entrepreneurs, vrais-faux correspondants de presse, CDD, CDDU, prestataires de services, journalistes obligés de se définir comme producteurs dans l’audiovisuel, travailleurs indépendants, stagiaires, apprentis, assujettis aux contrats de professionnalisation, contrats de chantier…Tout est bon pour se procurer une main d’œuvre exploitable et malléable à merci, car privée des droits élémentaires de la profession, et facilement jetable en cas de restructuration ou de situation de «crise».

Cette « ubérisation » du métier de journaliste qui vise à faire sortir du salariat, et donc des dispositions du Code du Travail des pans entiers de la profession, est déjà une réalité dans de trop nombreuses entreprises.

Le Congrès du SGJ-FO exige le respect de la loi de 1935 stipulant que le journaliste est obligatoirement un salarié et de l’article L.7112-1 du Code du Travail : «Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumé être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quels que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties.»

Malgré la présomption de contrat de travail dont bénéficient les journalistes rémunérés à la pige, qui devrait avoir pour conséquence de les faire bénéficier de tous les droits relevant de la convention collective des journalistes, tels que définis à l’article L 7111-3 du Code du Travail, les journalistes rémunérés à la pige restent le plus souvent relégués au rang de salariés précaires et sous-payés.

Si l’action syndicale a récemment permis que les journalistes rémunérés à la pige puissent enfin bénéficier comme les autres des indemnités journalières de la sécurité sociale, l’égalité de droits n’est toujours pas la règle. Le Congrès réaffirme ainsi son opposition totale au «protocole pigiste», dit «d’étape», de 2008, dont il réclame la renégociation. Cet accord minoritaire aboutit en effet à la remise en cause :

– du paiement annuel, conformément à la convention collective, des congés payés et du 13e mois en sus du paiement de la pige ;

– du paiement de l’ancienneté dans l’entreprise et dans la profession qui doit s’ajouter au salaire de base, conformément à la convention collective ;

– de l’inscription des pigistes au registre unique du personnel…

Le Congrès appelle l’ensemble des sections du SGJ-FO à faire de la lutte contre la précarité une des priorités de l’action syndicale et à exiger la requalification en CDI de tous les précaires abusivement employés sur des postes permanents.

Le Congrès appelle ses sections à veiller tout particulièrement à ce que les mesures d’économie ou les restructurations décidées par les directions d’entreprise ne se traduisent pas par la perte ou la baisse du revenu des pigistes.

Il réitère sa revendication de la définition d’un barème minimum de piges dans toutes les formes de presse et une revalorisation d’au moins 10% du barème des piges dans toutes les formes de presse, avec un tarif du feuillet à 60 euros minimum.

Le Congrès exige également le retrait du scandaleux décret du 10 mai 2017 fixant le salaire minimum des reporters photographes professionnels rémunérés à la pige (60 euros pour une commande nécessitant au minimum 5 heures de travail!) et demande que ses dispositions fassent l’objet d’une nouvelle négociation.

POUR UNE INFORMATION DE QUALITE, DEFENDONS NOS QUALIFICATIONS ET NOS CONDITIONS DE TRAVAIL

Comme la précarité, la multiplication insensée des tâches, l’uniformisation et l’appauvrissement de l’information sont de véritables fléaux qui menacent notre profession avec comme corollaire la casse des qualifications,

Les employeurs demandent à tous les journalistes d’être « agiles », c’est-à-dire d’accepter une adaptation permanente, et souvent sous pression, pour répondre aux seuls besoins de l’entreprise et à ses objectifs principaux : les bénéfices financiers et l’opposition des salariés entre eux. Et ceci sans considération aucune pour les exigences de qualité et d’éthique, propres à notre profession.

La dernière newsletter de la direction de l’Union-l’Ardennais nous fournit un exemple saisissant des dérives actuelles. Se vantant du «succès d’audience» d’un article consacré à un phénomène météorologique sur son site, elle y voit le résultat de «bonnes pratiques: un titre qui reprend les bons mots clés, l’intégration des vidéos, la mise en forme de l’article et des liens». Et elle poursuit : «Et ça nous rapporte quoi : cet article a été lu 693000 fois entre le 16 et le 23 mars, il nous a rapporté environ 11000 euros pour la période du 16 au 20 mars, soit + 300% vs 2021 (sic). Alors, on remet ça au plus vite.»

Tel est le modèle du journalisme voulu par les patrons. L’information ou ce qui en tient lieu ne vaut pas par son intérêt, sa pertinence, sa qualité, son originalité mais par le nombre de vues sur internet et par les retombées financières et publicitaires qui vont avec. Les priorités sont données aux rubriques dites porteuses ou vendeuses, et lorsque les résultats ne sont pas à la hauteur espérée par les patrons, on n’hésite pas à les supprimer, parfois au mépris des journalistes qui les assurent.

Le modèle du journaliste à tout faire, devant s’adapter en permanence et travailler de plus en plus dans l’urgence pour gagner la course aux «vues» et aux abonnements numériques est celui qui prévaut désormais dans toutes les rédactions. Le journal imprimé (print) devient secondaire même s’il apporte toujours aux titres la part essentielle de leurs revenus et il doit de plus en plus s’adapter à la temporalité du web avec des livraisons de copie et des bouclages plus rapides. Et tant pis pour l’information qui manque !

Ces contraintes horaires contribuent à dégrader la qualité des titres, en faisant peser sur les épaules individuelles de chacun les erreurs et éventuels oublis commis dans la précipitation.

Pour le SGJ-FO, il est illusoire de penser qu’un même salarié puisse réaliser indifféremment une multitude de tâches rédactionnelles et techniques sans que la qualité de sa production s’en ressente. Cela ne peut aboutir qu’à lui faire perdre le sens de son métier premier, qu’il ne peut effectuer dans de bonnes conditions, et à lui imposer une déqualification de fait que nous récusons.

Cette multiplication des tâches, conjuguée à la recherche forcenée de la baisse des coûts qui vide les rédactions et réduit les moyens, contribue de plus en plus au mal-être de la profession, confrontée à une détérioration sans précédent de ses conditions de travail. On voit se généraliser les horaires à rallonge, le productivisme, les pressions et l’autoritarisme d’une hiérarchie plus soucieuse de ses dogmes managériaux que du contenu de l’information.

Résultat, la souffrance et le stress au travail font des ravages dans les rédactions, les cas de « burn-out » se multiplient. Les expertises «risques graves» dans les entreprises aussi.

Le Congrès exige le respect absolu des qualifications des journalistes. Derrière cette demande d’adaptabilité permanente se sont de nouvelles suppressions de postes que visent les entreprises. C’est pourquoi il revendique dans toutes les rédactions, dans tous les services les créations de postes nécessaires à l’exécution des tâches rédactionnelles.

Il appelle à refuser toutes tentatives des directions visant à augmenter toujours plus la charge de travail en augmentant les horaires, en supprimant des jours de congé ou de RTT au détriment de la santé des salariés et de l’équilibre entre vie privée et vie professionnelle.

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Il réaffirme son opposition totale au forfait-jour qui constitue de fait un détournement des dispositions sur la durée hebdomadaire du travail.

Il exige l’application des dispositions de la Convention collective sur la durée du Travail (article 29 de la CCNT) qui stipulent notamment que les dérogations aux lois en vigueur sur la durée du travail, rendues nécessaires par l’exercice de la profession et les exigences de l’actualité, doivent donner lieu à récupération.

Il exige également le respect de la disposition conventionnelle affirmant qu’un repos hebdomadaire de deux jours en principe consécutifs doit être assuré.

Le Congrès réaffirme que la santé des salariés au travail est une priorité du syndicat. Il dénonce les mesures visant à affaiblir les capacités d’intervention des inspections du Travail et de la médecine du Travail, Il réclame le rétablissement dans toutes les entreprises d’un Comité d’hygiène, de sécurité et de conditions de travail (CHSCT) de plein exercice.

Concernant le télétravail, le Congrès exige que sa mise en place se fasse strictement dans un cadre de volontariat ainsi que durant un nombre limité de jours sur la semaine, et qu’il ne serve pas de prétexte à isoler les salariés, les flexibiliser encore davantage et à imposer un alourdissement de la charge de travail. Il renvoie sur cette question au document publié par le SGJ-FO : comment négocier le télétravail.

Le télétravail est aujourd’hui largement utilisé par les employeurs pour mettre en place le « flex office », privant le salarié de poste de travail dédié, source de substantielles économies sur l’immobilier et les charges, en même temps qu’il dégrade les conditions de travail des journalistes. Le Congrès condamne cette pratique et invite ses sections à être vigilants sur ce point.

Il réaffirme le droit de tout salarié à la déconnexion, droit naturel préexistant au contrat de travail, destiné à le protéger contre les risques de confusion entre sphère privée et sphère professionnelle et les dangers que font courir l’utilisation des outils numériques professionnels (téléphones, mails, sms…) en dehors du temps de travail.

Le Congrès exige que les périodes d’astreinte imposées à certains journalistes ne soient plus considérées comme du temps de repos si elles ne donnent pas lieu à une intervention, contrairement à ce qu’a entériné la loi El Khomri. Les périodes d’astreinte qui ne permettent pas au salarié de vaquer librement à ses occupations s’assimilent dans leur totalité à du temps de travail et doivent donc être rémunérées comme tel, sur la base du taux horaire en vigueur.

NON AUX LOIS LIBERTICIDES, DEFENSE DE LA LIBERTE D’INFORMER

Pour le SGJ-FO, l’état des libertés publiques conditionne l’existence d’une information indépendante, au même titre que les garanties sociales dont bénéficient les journalistes.

Or, depuis 2015, notre pays vit sous état d’urgence permanent et est engagé dans une inacceptable dérive autoritaire, attentatoire aux libertés les plus fondamentales dont celles de s’exprimer, de manifester, de revendiquer, d’informer et d’être informé.

Comme nous l’avons fait contre la loi Sécurité globale, en étant, avec d’autres organisations, à l’origine de la formidable mobilisation qui a fait, même partiellement, reculer le pouvoir, nous continuerons à agir de toutes nos forces et dans l’unité pour la défense des libertés démocratiques.

Nous le ferons comme journalistes, comme citoyens et comme syndicalistes car il ne peut y avoir de syndicat libre sans liberté.

Qu’il ait pour prétexte, comme il y a 7 ans, la lutte antiterroriste, la situation sanitaire comme depuis 2020 ou la situation de guerre en Europe, l’état d’urgence permanent s’est traduit par une avalanche de mesures exorbitantes du droit commun, au mépris le plus total de la liberté des citoyens. Il a permis au pouvoir administratif et aux forces de police de multiplier, sans en référer à un juge, les contrôles, les interdictions de se déplacer, de se divertir, de se rassembler, de manifester, de même que les perquisitions ou les assignations à domicile. L’instauration du pass sanitaire a été le prétexte à de nouveaux abus, allant jusqu’à la suspension du contrat de travail de centaines de salariés au mépris du Code du Travail.

Ces mesures ont contribué à stigmatiser une partie de la population, participé à une «criminalisation» de l’action revendicative ou syndicale, permis les violences policières contre les jeunes, les manifestants et les militants syndicaux dans les cortèges, mais aussi contre les journalistes faisant leur métier d’informer dans ces manifestations.

L’état d’urgence permanent s’est aussi traduit par la multiplication de lois, de décrets et de dispositions liberticides: loi sécurité globale, décrets du 2 décembre 2020 sur le fichage des opinions politiques ou syndicales, loi de programmation sur la recherche qui permet la répression de la contestation sur les campus universitaires,  loi censée « conforter les valeurs républicaines », qui stigmatise et permet, entre autres, un contrôle accru sur le mouvement associatif de ce pays, nouveau schéma national du maintien de l’ordre. 

Concernant la liberté d’informer, le Congrès demande le retour à la loi sur la liberté de la presse du 29 juillet 1881, qui constitue un cadre protecteur de la liberté d’expression et d’information dans notre pays. Il exige notamment que soient abrogées toutes les dispositions  résultant de la dérive autoritaire gouvernementale : transfert dans le Code pénal de certains délits de presse (notamment celui « d’apologie du terrorisme ») et allongement des délais de prescription de ces délits.

Le Congrès revendique l’abrogation de toutes les lois et dispositions attentatoires à la liberté d’informer: loi sur le secret des affaires, loi sur les fausses nouvelles en période électorale, et bien sûr la loi Sécurité globale. Si l’article 24 de cette loi, qui faisait de ceux qui filment l’action des forces de l’ordre des délinquants potentiels, a été censuré par le Conseil constitutionnel grâce à l’action syndicale, cet article a été repris sous une forme édulcorée dans la loi dite séparatisme. En outre, cette loi sécurité globale, par la surveillance généralisée (drones, caméras piétons…) qu’elle permet reste une entrave à l’exercice libre du métier.

Le SGJ-FO refuse également toutes les dispositions du nouveau schéma du maintien de l’ordre allant dans le même sens. Même si celui-ci a également été modifié il prévoit toujours l’obligation pour les journalistes couvrant les manifestations soit de disposer de la carte de presse ou d’une attestation de l’employeur, soit de se faire identifier lors de celle-ci. Pour le congrès, les journalistes n’ont ni à justifier ni à déclarer leur présence dans une manifestation.

Le congrès dénonce toutes les violences commises contre les journalistes dans l’exercice de leur profession que cette violence soit le fait des forces de l’ordre ou de manifestants. Il dénonce les intimidations et insultes, les confiscations de matériel professionnel que plusieurs centaines de journalistes ont eu à subir au cours des dernières années, quand ils n’étaient pas molestés, victimes de tirs de grenades, de matraquage, mis en garde à vue ou menacés de poursuite.

Le rôle des pouvoirs publics n’est pas de s’en prendre aux journalistes. Il devrait au contraire être de les protéger quand ceux-ci sont victimes de violences ou agressés par certains manifestants comme on l’a vu au cours de certains mouvements, ce qui n’est hélas pas le cas.


Le Congrès dénonce avec force l’acte de censure inédit dans notre pays qu’a été l’interdiction de diffusion prononcée à l’égard du média RT France et Spoutnik et apporte son soutien sans réserve à ses 175 salariés dont une centaine de journalistes. Il soutient la procédure qu’ils ont engagée devant le Conseil d’Etat pour faire annuler la mesure qui les frappe.

Outre que cette décision porte le sceau d’un arbitraire le plus total, elle a été prise sous injonction de la Commission européenne en dehors de tout cadre légal.

Au nom de quoi l’invasion de l’Ukraine par l’armée russe, que nous condamnons sans réserve, devrait-elle amener 175 salariés à se retrouver du jour au lendemain sans travail, sans ressource, sans perspective ? Les salariés français, européens, russes, ukrainiens n’ont pas à faire les frais d’une guerre qu’ils n’ont pas décidée !

Le congrès apporte son soutien et sa solidarité aux journalistes de Russie, d’Ukraine et du monde entier victimes de la censure, de la répression, de peines de prison de violences, des guerres et qui paient, parfois de leurs vies, leur engagement au service de l’information.

Le Congrès réitère son exigence d’une loi réellement protectrice du secret des sources des journalistes qui ne soit plus conditionnée par le principe «d’impératif prépondérant d’intérêt public» figurant dans la loi Dati de 2010, que nous récusons.

Il réaffirme que la liberté d’exprimer des opinions, de se rassembler et de manifester est un droit démocratique intangible qui ne saurait être limité en aucune façon.

Il demande l’arrêt de toutes les poursuites engagées contre des militants syndicaux traités comme des criminels par les gouvernements et les procureurs à leurs ordres pour avoir simplement voulu défendre leurs revendications.

Plus généralement, le Congrès apporte son soutien à tous les travailleurs et militants syndicaux victimes de la répression patronale et gouvernementale, poursuivis ou emprisonnés en raison de leur action au service des salariés partout dans le monde.

SANS GARANTIES SOCIALES, SANS LIBERTE, PAS D’INDEPENDANCE

Jamais la concentration de la presse n’a atteint dans notre pays un tel degré. Ils sont aujourd’hui moins de 10 milliardaires à détenir plus de 80% des médias. Dans la course au contrôle des médias qui s’est enclenchée au début des années 2000, les banques et les financiers d’abord, puis les groupes de télécommunication ont fait main basse sur la quasi-totalité des titres. Et ce n’est pas fini quand on voit comment deux d’entre eux se battent aujourd’hui pour acquérir La Provence.

Pour eux, la prise de contrôle des médias n’a pas vocation à apporter aux citoyens une information de qualité, mais à devenir une source de profits comme une autre (grâce notamment au marché publicitaire), à conforter leur contrôle sur certains secteurs marchands ou leurs poids politique sur la société.

Pour préserver leurs profits et une partie du marché publicitaire sur lequel ils sont en concurrence directe avec les géants de l’internet, les GAFAM, ces milliardaires ont prêté allégeance à ces derniers. En échange de l’utilisation des productions journalistiques, ils se sont pliés à toutes leurs exigences, éditoriales notamment, entraînant toute la presse française dans la voie d’une numérisation de l’information à bas coût, de piètre qualité et destructrice des droits des salariés.

Ce double mouvement de concentration – réalisé avec la bénédiction de tous les gouvernements successifs qui ont accordé à ces grands groupes privés l’essentiel des aides à la presse ou fermé les yeux devant leurs pratiques fiscales – est déjà le signe d’une démocratie profondément malade où le pluralisme des opinions, la circulation des idées et le droit des citoyens à une information libre, indépendante et de qualité n’ont plus droit de cité.

La marchandisation de l’information, la soumission des missions d’information et de nos principes professionnels aux règles du marché a atteint un tel degré que c’est le journalisme qui est son tour malade, et ceux qui le font de plus en plus déconsidérés.

Face à cette concentration et à ses effets désastreux, le congrès estime de la responsabilité des pouvoirs publics de prendre enfin des mesures pour y remédier :

– en cessant de déverser chaque année dans les caisses des milliardaires de nouveaux milliards d’aides à la presse, surtout quand ceux-ci sont déjà bénéficiaires de commandes publiques, a minima en conditionnant ces aides à la présence d’un nombre suffisant de journalistes professionnels en CDI dans les rédactions ;

– en créant de nouveaux seuils de concentration beaucoup plus draconiens que ceux de la loi de 1986 et prenant en compte l’ensemble des médias détenus par un même propriétaire ou actionnaire ;

– en interdisant les mutualisations éditoriales entre titres différents.

Le Congrès considère que l’action syndicale pour les revendications, pour le maintien des garanties collectives de la profession et la défense de ses principes professionnels reste la meilleure garantie pour la sauvegarde d’une presse pluraliste, d’une information au service de la démocratie et des citoyens.

Il réaffirme qu’il ne peut y avoir de presse indépendante et libre, sans journalistes indépendants et libres, c’est-à-dire disposant d’un salaire conventionnel garanti, un statut et des droits collectifs leur permettant d’exercer leur métier en dehors de toute pression économique ou politique, dans le respect des principes professionnels découlant de ce statut.

Le Congrès se prononce contre la négociation de chartes éthiques par entreprise imposée par la loi Bloche de novembre 2016. La déontologie ne saurait être assujettie aux politiques éditoriales des employeurs, elles-mêmes dictées par des impératifs mercantiles. Les journalistes ont tout à redouter de ces chartes maison, «rédigées conjointement par la direction et les représentants des journalistes» et dont le contenu variera d’une entreprise à l’autre, avec des droits et devoirs différents en fonction des rapports de force internes à chacune d’elles. Cette loi ne peut que renforcer la tendance à l’atomisation de la profession et à la remise en cause d’un statut unique des journalistes, garanti par sa convention collective étendue et partie intégrante du Code du Travail. Le Congrès estime que ces chartes maison ne sont qu’un alibi destiné à masquer la capitulation des pouvoirs publics face aux grands groupes qui se sont accaparé les médias.

Le Congrès affirme au contraire son attachement aux grands textes fixant les principes professionnels des journalistes : la déclaration des droits et devoirs de 1938 et la Charte de Munich de 1971. Pour le Congrès, c’est cette charte qui doit s’appliquer dans les entreprises et aucune autre. Il réaffirme en outre son souhait de la voir annexée sous forme d’avenant à la Convention collective.

Le Congrès exprime  son opposition au Conseil de déontologie journalistique et de médiation mis en place conjointement par des syndicats et associations de la profession, des patrons et des représentants du «public». Rétablir la confiance entre le citoyen et la presse de ce pays ne peut pas être l’affaire d’un conseil opaque au caractère auto-proclamé. Et laisser croire que ce sont les employeurs, qui représenteront un tiers des membres de ce conseil, qui pourront être les défenseurs de la liberté et de l’indépendance de la presse, du respect des règles déontologiques des journalistes est une escroquerie.

Au mieux ce conseil deviendra-t-il un instrument de plus au service de la bien-pensance journalistique. Au pire, il risque fort de devenir un outil supplémentaire de pression et de mise au pas des journalistes dans un contexte où la liberté de la presse et la loi de 1881 qui la garantit sont de plus en plus menacés.

De la même manière, le congrès maintient son opposition à la création d’un statut juridique des rédactions, présenté par certains comme la panacée contre la concentration des médias mais en fait nouveau cheval de Troie du corporatisme dans la profession.

Il rejette également la mise en place de conseils de la rédaction, associant représentants des journalistes et directions d’entreprise, instruments de cogestion qui visent à contourner les instances représentatives du personnel.

Le Congrès réaffirme l’attachement de Force ouvrière à l’existence de l’AFP comme outil de la démocratie au service de l’information. Ce rôle a été mis en danger par la loi du 2 avril 2015 qui a modifié le statut de l’AFP, voté en 1957, pour le rendre compatible avec les exigences de la Commission européenne et la règle de la concurrence libre et non faussée. L’AFP est donc devenue une entreprise privée comme une autre qui à côté de missions d’intérêt général, définies par la Commission européenne et l’Etat via un contrat d’objectifs et de moyens, développe de plus en plus d’activités commerciales ne relevant pas de ces missions, notamment dans le cadre de ses partenariats avec Google, devenu 2e client de l’AFP. Cette double tutelle menace directement l’indépendance de l’agence. Le Congrès s’alarme également du projet visant à permettre à l’AFP de mettre en place un accord de participation en faveur de ses salariés qui pourraient inciter les pouvoirs publics à revoir à la baisse la contribution financière accordée dans le cadre de sa mission d’intérêt général.

Le Congrès considère que la survie de l’AFP comme outil indépendant au service de la profession ne passe ni par la remise en cause brutale des droits du personnel, comme cela a été le cas il y a cinq ans, ni par un nouveau plan de départs et de réduction des effectifs.

Le Congrès considère qu’il est de la responsabilité de l’Etat de garantir la survie de l’AFP, ce qui passe dès aujourd’hui par un engagement financier lui permettant d’assurer l’ensemble de sa mission d’agence internationale.

Le Congrès réaffirme également sa volonté de défendre l’existence du service public audiovisuel dans notre pays. La campagne de l’élection présidentielle a vu se multiplier des déclarations visant soit à sa privatisation, soit à une nouvelle diminution drastique de ses moyens, notamment par le biais de la suppression de la redevance audiovisuelle, actuellement fixée par le Parlement et qui constitue une ressource importante pour son existence même.

Le Congrès dénonce cette nouvelle tentative d’asphyxier l’audiovisuel public déjà mis à mal  par les diminutions successives de ses budgets, qui se sont traduites par la diminution de son offre d’information et de programme, la fusion forcée de rédactions, la disparition d’établissements, de services et même de chaînes.

Alors que le service public de l’audiovisuel emploie près de 20% des journalistes de ce pays, une nouvelle diminution des dotations à l’audiovisuel public ne pourrait conduire qu’à de nouvelles coupes budgétaires dont les premières victimes sont les salariés, avec à la clé de nouvelles suppressions d’emplois, le blocage des salaires, les baisses de moyens dans tous les secteurs.

PLUS QUE JAMAIS LES REVENDICATIONS, PLUS QUE JAMAIS L’INDEPENDANCE SYNDICALE

Attaché, comme la Confédération Force Ouvrière, à la libre négociation et à la pratique contractuelle, le SGJ-FO exige l’abrogation de tous les dispositifs visant à remettre en cause les garanties collectives des salariés et notamment la loi Travail et les ordonnances Macron qui visent à détruire le Code du Travail.

Le Congrès appelle l’ensemble des journalistes à s’opposer à toute nouvelle tentative visant à s’attaquer à notre protection sociale qui fonde le modèle social républicain.

Il s’oppose notamment à tout nouveau recul de l’âge de la retraite que ce soit par un âge légal, un âge du taux plein, un âge pivot ou «d‘équilibre» ou par l’allongement de la durée d’activité.

Il considère que l’action syndicale doit tendre au retour aux 37,5 annuités de cotisations pour une retraite à taux plein.

Il réaffirme sa détermination à défendre le système de retraites par répartition solidaire et intergénérationnel qui doit permettre d’assurer à tous et toutes un haut niveau de pensions.

Il revendique le maintien du régime général et de l’ensemble des régimes particuliers ainsi que du Code des pensions civils et militaires pour les fonctionnaires.

Il rejette toute tentative de réintroduire un système unique de retraite par points mis en échec par la mobilisation syndicale de 2019 et 2020. En ce sens, il s’oppose au transfert des cotisations de retraite complémentaire vers l’URSSAF allant dans le sens de la mise en place de cette retraite par points.

Il réaffirme son opposition au mécanisme de décote mis en place dans le cadre de la fusion AGIRC-ARRCO destiné à obliger les cadres et donc les journalistes à travailler plus longtemps et qui pénalise particulièrement les plus bas salaires.

Le congrès réaffirme son attachement aux principes de la Sécurité sociale de 1945 qui doit demeurer la propriété des salariés et revendique le maintien des cotisations sociales qui constituent le salaire différé. Il s’oppose totalement au  transfert vers l’impôt du financement de la Sécu. Ce serait permettre que demain ces sommes, qui jusqu’à présent étaient utilisées exclusivement pour faire face aux besoins des assurés sociaux, le soient à d’autres fins.

Réduite à une ligne du budget de l’Etat qui pourrait chaque année la modifier à sa guise, la Sécurité sociale, serait livrée aux appétits des marchés financiers, des banquiers et assurances privées sur un marché qui leur a jusque-là échappé.

Le congrès revendique l’abrogation de la réforme de l’assurance chômage entrée en application en octobre 2021 qui aboutit à une baisse des allocations de 17% en moyenne pour plus d’un million de salariés privés d’emploi, notamment les plus démunis d’entre eux.

Sur toutes ces revendications, le SGJ participera à toute initiative décidée par la Confédération FO.

Le Congrès rappelle l’obligation faite aux employeurs de consulter annuellement les salariés, y compris ceux rémunérés à la pige, de façon individuelle sur l’application de l’abattement de 30% des cotisations sociales (autrement appelé déduction forfaitaire spécifique) dont ils bénéficient dans le cadre des aides à la presse. Ils appellent les journalistes à refuser par principe l’abattement sur leurs cotisations sociales qui, s’il permet aux employeurs de faire de substantielles économies sur la masse salariale, peut avoir des conséquences négatives importantes sur la retraite de base des salariés en fonction de leur salaire.

Le Congrès rappelle également que tous les journalistes titulaires de la carte professionnelle définitive sont considérés comme cadres au regard du régime de retraite des cadres et doivent donc être affiliés à l’Agirc. Aucun employeur ne saurait se soustraire à cette obligation stipulée dans la Convention collective de retraite et de prévoyance des cadres de mars 1947, ou en faire une application sélective entre des journalistes qui seraient considérés comme des cadres et d’autres qui ne le seraient pas.

Pour le Congrès, le syndicalisme indépendant, combattant sur le terrain de la défense des intérêts particuliers des salariés, et non d’un prétendu intérêt général qui n’est en fait que celui des patrons est plus que jamais d’actualité. Personne ne doit décider à la place du syndicat, de ses adhérents et des salariés qui nous mandatent.

Notre responsabilité est d’aider les salariés à s’organiser, à résister et à agir pour que, dans l’unité la plus large, nous puissions faire avancer nos revendications.

Pour cela, il ne saurait y avoir aucun consensus, aucun pacte avec ceux qui non contents de vouloir détruire nos droits sociaux, nos emplois et nos conditions de travail voudraient nous associer à l’élaboration et à la mise en application de leurs mauvais coups.

Le Congrès constate que les ordonnances Macron aboutissent à contourner le rôle et les prérogatives des syndicats. Pour le Congrès, les dispositions qu’elles ont introduites sont la porte ouverte à toutes les pressions patronales sur les salariés et sont inacceptables, comme le sont la diminution du nombre d’élus du personnel, la limitation de la durée des mandats, la baisse des moyens au service de l’action syndicale, l’affaiblissement des actions exercées précédemment par chacune des IRP.

Le Congrès rappelle son attachement au principe de libre désignation par les syndicats de leurs délégués et représentants syndicaux, déjà mis à mal par la loi scélérate sur la représentativité de 2008 dont le SGJ-FO demande toujours l’abrogation.

Cette loi, initiée par le patronat avec la complicité de certains syndicats, se retourne aujourd’hui contre tous les syndicats qui se voient entravés dans leur action et leurs capacités d’expression.

Le SGJ-FO fait sienne la décision de l’Organisation internationale du Travail (OIT) selon laquelle «il revient au syndicat de déterminer la personne la plus à même de le représenter et de défendre ses membres dans leurs réclamations individuelles même lorsque cette dernière n’a pas recueilli 10% des suffrages lors des élections sociales».

La défense du syndicalisme indépendant Force Ouvrière dans la presse passe par le renforcement  du Syndicat Général des Journalistes FO, signataire de la Convention collective des Journalistes et garant de son respect. Le Congrès rappelle la vocation et la détermination du SGJ à représenter et à syndiquer tous les journalistes, quelle que soit l’entreprise ou la forme de presse qui les emploie.

Le Congrès invite ses délégués, ses élus, ses militants à faire de l’adhésion au SGJ-FO, de la création de nouvelles implantations syndicales, du renforcement des sections existantes une priorité de leur action de défense des journalistes.

Il les appelle à continuer à s’investir pour la progression des listes FO lors des élections professionnelles et pour le renforcement de notre représentativité, consolidée lors des derniers scrutins.

Il réaffirme son attachement indéfectible à l’unité et à l’indépendance de la Confédération Force ouvrière.

Pour les revendications

Pour l’indépendance syndicale

Pour l’unité

Partout renforçons notre syndicat.

Rejoignez le SGJ-FO.

Résolution adoptée à l’unanimité

Amiens, le 8 avril 2022

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