
Notre profession est de plus en plus marquée par une précarité qui participe de la paupérisation générale des journalistes.
50 ans après la promulgation de la loi Cressard, et alors qu’on va célébrer dans quelques jours les 90 ans de la loi Brachard, trop de salariés exerçant la profession se trouvent dans la précarité et n’ont ni le statut ni les revenus leur permettant d’obtenir la carte de presse. Trop d’employeurs refusent toujours de considérer les pigistes comme des journalistes en CDI et font le choix de les employer et de les rémunérer aux conditions qu’ils jugent les plus avantageuses pour eux, au mépris de la Convention collective.
Jamais le nombre de journalistes rémunérés à la pige n’a été aussi élevé. Parmi les 34948 journalistes « encartés » en 2024, presque 9000 d’entre eux étaient des pigistes ou des CDD, soit plus d’un quart (25,88%).
Malgré la présomption de contrat de travail dont bénéficient les journalistes rémunérés à la pige, qui devrait avoir pour conséquence de les faire bénéficier de tous les droits relevant de la convention collective des journalistes, tels que définis à l’article L 7111-3 du Code du Travail, les journalistes rémunérés à la pige restent le plus souvent relégués au rang de salariés précaires et sous-payés.
C’est notamment le cas des femmes qui représentent la majorité des pigistes et des CDD bénéficiaires de la carte de presse (52,65%).
Dans de nombreuses entreprises, les pigistes se voient trop souvent exclus des (très maigres) mesures salariales accordées à leurs confrères permanents. Les barèmes de piges ne sont pas toujours respectés et certains éditeurs n’hésitent pas à s’affranchir à leur encontre des accords sociaux ou des dispositions de la Convention collective.
Le Congrès du SGJ-FO exige l’application d’un barème minimum de piges dans toutes les formes et entreprises de presse, ainsi que la revalorisation du tarif des piges à 60 euros minimum le feuillet.
Il dénonce le simulacre de négociation qui vient de se dérouler dans la Presse quotidienne régionale où les éditeurs, ont cherché à imposer un tarif « non-discutable » de 50 euros le feuillet, soit le plus faible niveau de toute la presse française. Rappelons que ces mêmes employeurs s’étaient toujours refusés jusqu’alors à mettre en place un barème minimal pour leurs quelque 1200 pigistes, en violation des dispositions de la Convention collective de 1976.
Si l’action syndicale a permis que les journalistes rémunérés à la pige puissent enfin bénéficier comme les autres des indemnités journalières de la sécurité sociale, l’égalité de droits n’est toujours pas la règle.
Le Congrès réaffirme ainsi son opposition totale au « protocole pigiste » de 2008, dont il réclame la renégociation. Cet accord minoritaire aboutit en effet à la remise en cause :
– du paiement annuel, conformément à la convention collective, des congés payés et du 13e mois en sus du paiement de la pige ;
– du paiement de l’ancienneté dans l’entreprise et dans la profession qui doit s’ajouter au salaire de base, conformément à la convention collective ;
– de l’inscription des pigistes au registre unique du personnel…
Mal rémunérés, les pigistes se voient fréquemment contraints pour vivre de trouver des « revenus complémentaires », souvent extérieurs au journalisme, payés en droits d’auteur ou à la prestation, ce qu’ils ne peuvent refuser pour pouvoir continuer à travailler.
Certains se retrouvent ainsi écartés du bénéfice de la carte, ne répondant plus aux critères de la Commission. Ils rejoignent alors la cohorte grandissante de ceux qui se voient contraints d’exercer la profession sous statut précaire.
Auto-entrepreneurs, vrais-faux correspondants de presse, CDDU, prestataires de services, journalistes obligés de se définir comme producteurs dans l’audiovisuel, travailleurs indépendants, stagiaires, apprentis, assujettis aux contrats de professionnalisation, contrats de chantier… : tout est bon pour les employeurs afin de disposer d’une main d’œuvre exploitable et malléable à merci, privée des droits élémentaires de la profession, subissant de plein fouet toutes les entraves au libre exercice du métier d’informer et les pressions des directions, facilement jetable en cas de restructuration ou de plan social.
Le Congrès du SGJ-FO exige le respect de la loi Brachard de 1935 stipulant que le journaliste est obligatoirement un salarié et de l’article L.7112-1 du Code du Travail : « Toute convention par laquelle une entreprise de presse s’assure, moyennant rémunération, le concours d’un journaliste professionnel est présumée être un contrat de travail. Cette présomption subsiste quel que soient le mode et le montant de la rémunération ainsi que la qualification donnée à la convention par les parties ».
Pour contourner cette obligation légale, les employeurs utilisent depuis plusieurs années une nouvelle source de main d’œuvre à bon marché grâce aux contrats en alternance ou de professionnalisation. Leur nombre n’a jamais été aussi élevé dans les entreprises de presse puisque les « alternants » ont représenté 1/3 des premières demandes de carte de presse en 2024 (environ 700).
Le Congrès réaffirme que ces jeunes journalistes en formation n’ont pas vocation à compenser les sous-effectifs organisés sciemment par les employeurs. Il réaffirme son attachement aux formations reconnues par la profession et dénonce le recours par les employeurs à des formations « maison ».
Le Congrès appelle l’ensemble des sections du SGJ-FO à faire de la lutte contre la précarité sous toutes ses formes une des priorités de l’action syndicale et à exiger la requalification en CDI de tous les précaires abusivement employés sur des postes permanents.
Le Congrès appelle ses sections à veiller tout particulièrement à ce que les mesures d’économie ou les restructurations décidées par les directions d’entreprise ne se traduisent pas par la perte ou la baisse du revenu des pigistes.
28e Congrès du SGJ-FO, Paris les 26, 27 et 28 mars 2025
