« Plan de recomposition des effectifs » à France Télévisions
Casse sociale et polyvalence à tout va
La direction de France Télévisions a entamé il y a quelques jours la négociation avec les organisations syndicales de l’entreprise d’un « plan de recomposition des effectifs », censée aboutir d’ici 2022 à 2000 départs dont 1000 suppressions nettes d’emplois !
Cette nouvelle charrette massive de suppressions d’emplois intervient alors que depuis la fin 2012, au fil des plans de départ successifs, l’entreprise est passée de 10500 emplois équivalents temps plein (ETP) à environ 9650 aujourd’hui. Sans compter les innombrables précaires, premières victimes collatérales de ces purges à répétition.
Pour la direction, qui chiffre à 400 millions d’euros les « économies » à réaliser d’ici à 2022, il s’agit de se conformer au budget d’austérité imposé par l’Etat : la dotation de FTV sera encore abaissée de 26 millions d’euros en 2019, après un recul de 50 millions en 2018.
Au nom de la compétitivité et de la « transition numérique » c’est donc la casse de la télévision de service publique qui se poursuit, symbolisée notamment par les fermetures de France 4 et de France Ô (au moins 200 salariés concernés pour cette seule chaîne). Celle-ci devrait disparaître totalement. L’autre ne serait plus diffusée que sur le web.
Le SGJ-FO réaffirme son opposition résolue à cette politique de liquidation du service public au bénéfice des médias privés des Bouygues, Bolloré, Drahi et consorts.
Aucune suppression nette d’emploi à France Télévisions. Non à la fermeture de France Ô et de France 4.
A l’inverse, le SGJ-FO exige l’annulation des coupes budgétaires au profit d’un plan de développement et de reconquête du service public.
Contourner le droit du licenciement économique
Pour faciliter les suppressions d’emplois, la direction a choisi de proposer aux organisations syndicales la signature d’une Rupture conventionnelle collective, un dispositif créé par les Ordonnances Macron.
Pour la Confédération Force Ouvrière, ce nouveau type de « rupture amiable » via un accord collectif n’offre non seulement par de vraies « garanties collectives auxquelles adosser le +consentement+ du salarié à la rupture », mais en outre, il fait « sortir ces ruptures amiables du régime du licenciement économique et du PSE ». Cela vaut notamment pour les indemnités de rupture, mais aussi pour les obligations de l’employeur en matière de reclassement.
Dès lors, cette disposition apparaît comme un moyen de faciliter pour l’employeur les suppressions d’emplois, même si la direction de FTV jure ses grands dieux qu’il n’y aura aucun licenciement mais uniquement des départs volontaires. Où est le volontariat quand le principe des suppressions de postes, leur nombre et ses modalités sont définis en amont ?
La RCC permet ainsi à la direction de proposer des indemnités de rupture bien en-deçà des dispositions conventionnelles en la matière, qu’il s’agisse de celles établies par la Convention collective nationale des journalistes ou celles stipulées par l’accord d’entreprise de France Télévisions.
Indemnités de départ au rabais
Selon le document remis aux organisations syndicales, les indemnités de rupture seraient ainsi de 4 mois de salaire (brut) entre 5 et neuf ans d’ancienneté, 6 mois entre 10 ans 19 ans, 8 mois entre 20 et 23 ans, et au-delà de 24 ans, 8 mois plus 2/5e de mois par année supplémentaire.
Notons au passage que le salaire annuel de référence pris en compte par la direction pour déterminer le montant de ces indemnités n’intègre pas le 13e mois. Il n’y a pas de petit profit !
Selon la Convention collective des journalistes (art L.7112-3 du Code du Travail), tout journaliste licencié perçoit un mois de salaire par année d’ancienneté jusqu’à 15 ans d’ancienneté. S’il a une ancienneté supérieure, l’indemnité due est déterminée par la commission arbitrale des Journalistes. Celle-ci est en général d’au moins un mois de salaire par année travaillée en plus des 15 ans.
L’accord d’entreprise FTV instaure lui une indemnité complémentaire ainsi calculée : – pour plus de cinq ans d’ancienneté :
- 4/12e du salaire annuel
- pour plus de dix ans : 5,5/12e du salaire annuel
- pour plus de quinze ans : 7/12e du salaire annuel
Si l’indemnité conventionnelle de licenciement s’appliquait, un journaliste ayant 25 ans d’ancienneté et un salaire brut mensuel de 3 000 euros toucherait au minimum 66 000 euros (accord FTV) voire davantage via le recours à l’arbitrale. Avec les dispositions contenues dans le projet de RCC, il aurait « droit » pour le même salaire brut à 25 200 euros !! Cela n’est pas acceptable.
Le SGJ-FO demande l’application a minima des dispositions conventionnelles pour tous les « candidats » au départ. Il rappelle que le montant des indemnités, y compris dans une RCC peut être bien supérieur à celui proposé par la direction, comme cela a été le cas dans l’accord signé aux Inrocks (1,5 mois par année d’ancienneté), et approuvé par le SGJ-FO.
Généralisation de la « polycompétence » à toute l’entreprise
Selon la direction de FTV, son plan ne vise pas seulement à supprimer des emplois mais il cible clairement les salariés les plus âgés pour remplacer une partie d’entre eux par des « nouveaux collaborateurs » plus jeunes et « permettre le renouvellement des compétences de l’entreprise nécessaire à sa transition vers le numérique ».
En clair, se débarrasser d’une main d’œuvre qualifiée et expérimentée mais qui coûte cher et qu’on accuse de ne pas être suffisamment « agile » (quel mépris !) pour embaucher à la place des salariés plus jeunes, censés mieux maîtriser l’univers numérique, moins payés et surtout polyvalents et multitâches (JRI monteur par exemple, rédacteur monteur ou les trois à la fois).
Ce « renouvellement générationnel » vise clairement à généraliser à toute l’entreprise l’accord sur les compétences complémentaires. Le plan prévoit également la mise en place d’une expérimentation sur l’évolution des métiers, censée préparer cette casse des qualifications.
Le SGJ-FO rappelle son opposition à toute polyvalence imposée et son attachement aux frontières des métiers. Il exige donc l’embauche de journalistes et de monteurs dans les rédactions comme celle de France Info où l’on impose de tout faire au détriment des fonctions propres à chaque métier et de la qualité de l’information.
L’adaptation aux nouveaux métiers, comme l’intégration de jeunes journalistes dans les rédactions ou le recul de la précarité sont des objectifs louables, mais ils ne doivent pas être mis en œuvre au détriment des qualifications et de l’emploi des salariés les plus âgés.
Pour vous défendre et vous faire entendre, rejoignez le SGJ-FO.