Depuis les attentats de novembre, la France vit sous le régime de l’état d’urgence qui se traduit, au nom de la lutte contre le terrorisme, par un recul sans précédent des libertés publiques, n’épargnant aucun secteur, pas même notre profession.
Comme l’ont souligné les unions régionales CGT et FO d’Ile-de-France, « son application a révélé un usage sans limite, hors contrôle judiciaire, de leurs nouveaux pouvoirs par les forces de police : interdiction de manifestations, répressions de manifestants pacifiques, perquisitions violentes à l’encontre de familles innocentes, utilisation de l’état d’urgence pour intimider, réprimer ou empêcher des revendications sociales…. »
Comme des milliers de démocrates, syndicalistes, citoyens attachés aux valeurs de la République, notre syndicat a été un des tout premiers à exiger la levée de cet état d’urgence (voir communiqué), nouveau pas dans la régression démocratique en œuvre sous ce gouvernement. Chaque jour un peu plus, c’est l’équilibre des pouvoirs qui fonde notre démocratie en permettant au pouvoir judiciaire de contrôler, au nom du peuple, les pouvoirs législatifs et exécutifs, qui est contesté.
Cette dérive s’était déjà traduite dans la loi sur le renseignement du 22 juillet 2015. Au nom de la lutte anti-terroriste, déjà, cette loi autorise un espionnage de masse des citoyens en légalisant les pratiques, parfois illégales, d’écoutes, de localisation, de pillage et de stockage des données personnelles ou professionnelles. Le tout sans véritable possibilité de recours devant le juge judiciaire, seul le Premier ministre pouvant juger de la légitimité et de « l’urgence » de ces procédés !
Dans ces conditions, que devient le secret des sources des journalistes ? Quelle possibilité au journaliste d’exercer son droit à informer quand il sait qu’il peut à tout moment faire l’objet de flicage, être espionné. Pas étonnant dans cette situation que la loi sur le secret des sources promise par Hollande ait été mise au placard !
Comment en serait-il autrement d’ailleurs quand les députés, lors du vote (à la quasi-unanimité) sur la prolongation de l’état d’urgence, le 16 novembre dernier, ont décidé d’étendre la possibilité de perquisitionner la nuit aux domiciles des journalistes, des avocats, des magistrats et même des députés. Même pendant la guerre d’Algérie, on n’avait pas vu cela.
Seuls restent protégés de ces perquisitions nocturnes les lieux affectés à l’activité professionnelle de ces professions ou à l’exercice de leur mandat pour les députés. Comme si le domicile d’un journaliste n’était pas, aussi (surtout), son lieu de travail.
Si M. Valls voit dans cette mesure « un équilibre protecteur des libertés publiques », il s’agit bien d’une entrave supplémentaire à l’exercice libre de notre métier et au droit des citoyens d’être informés.
Pour couronner cet édifice liberticide, la loi sur le « secret des affaires », retiré de la loi Macron il y a un an devant le tollé provoqué, pourrait bien faire son retour via une directive votée le 16 juin dernier en commission au parlement européen, permettant aux entreprises de décider elles-mêmes ce qui relève du secret des affaires et qui ne doit donc pas être révélé aux citoyens.
La boucle serait ainsi bouclée. Qui ne voit pas en effet le lien entre la pérennisation, sous une forme ou une autre, de l’état d’urgence, la remise en cause des libertés publiques, et la volonté de ce gouvernement d’accélérer, au nom des intérêts du patronat et des puissances financières, la destruction systématique de tous les acquis ouvriers au premier rang desquels le Code du Travail et la multiplication des contre-réformes qui remettent en cause la sécurité sociale, les services publics et les libertés syndicales ?