Le tour de manège de l’humiliation

Publié par

La position gouvernementale à l’égard des manifestations du 23 et du 28 juin 2016 trace une voie dangereuse pour la démocratie.

L’attitude du pouvoir à l’égard de la manifestation du 23 juin 2016 contre la loi Travail dépasse le fait circonstancié. D’abord interdite par le gouvernement, elle fut autorisée sous condition : départ place de la Bastille pour faire quelques pas autour du bassin de l’Arsenal et c’est tout. Cette humiliation n’étant certainement pas suffisante aux yeux des membres du gouvernement Valls, l’accès des manifestants à ce « tour de manège » était sous condition d’une fouille par les forces de l’ordre. A cette mi-juin, la levée de l’état d’urgence était en discussion et de toute évidence la préoccupation première du commandement des forces de l’ordre dans les manifestations précédentes n’avait été pas de neutraliser les casseurs.

Ces conditions ne marquent-elles donc pas la volonté de dégrader l’image des organisations syndicales ?  Le moins que l’on puisse admettre est que les convictions des manifestants, ont été lourdement entachées voire indiscutablement piétinés par cette mise au pas dans ce qui peut s’apparenter à un manège à bestiaux. Comment accepter que 80 ans après les manifestations et les grèves de 1936 un tel recul social, une telle atteinte au droit des syndicats, des travailleurs et aux fondements de la République. En France, la dernière interdiction de manifester remonte à février 1962, par la dispersion criminelle du cortège à la station de métro Charonne (9 morts dans la bouche de métro du même nom). Maurice Papon était le préfet de police sur la région parisienne au moment des faits.

La manifestation du 28 juin 2016 qui se voulait plus libre que la précédente, puisque le défilé était autorisé entre Bastille et place d’Italie, n’a pas manqué aussi de franchir un autre cran. Pour accéder au rassemblement de départ les manifestants devaient subir 3 fouilles au corps, 2 des 3 barrages étant à quelques mètres l’un de l’autre. Pour quelle raison si ce n’est de vouloir criminaliser les travailleurs présents car curieusement des casseurs bien équipés ont pu pénétrer et perturber le cortège.

Le comportement gouvernemental pour ces deux manifestations pourrait être simplement qualifié d’anti-démocratique mais sa portée trace une voie politique depuis longtemps mise en veille dans notre pays, la tentation dictatoriale. En effet, si nous laissons faire sans réagir, comment demain pourrions-nous nous opposer aux premières mesures d’un futur gouvernement relié à un parti politique dont le fonds de commerce ne fait pas référence à des avancées sociales mais justement à un rétablissement de « l’Ordre »…

Denis Lemoine