Réforme des retraites : les journalistes fortement touchés

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Le projet de réforme des retraites Macron-Delevoye toucherait les journalistes au même titre que tous les travailleurs du secteur privé relevant du régime général, avec les conséquences prévisibles déjà largement dénoncées par notre syndicat et la confédération Force Ouvrière.

La prise en compte de toute la carrière du salarié pour la capitalisation de points et le calcul de sa retraite (et non plus du salaire des 25 meilleures années comme aujourd’hui) aurait toutefois des effets particulièrement néfastes pour une profession qui ne cesse de se précariser et dont une moitié seulement (52%) relève du salariat permanent (contre encore 58% en 2013).

En fondant le calcul de la retraite sur la totalité de la vie professionnelle, on pénalise mécaniquement tous les salariés (les salaires de début étant généralement plus faibles que ceux de la fin de carrière), mais encore plus tous ceux qui n’ont pas bénéficié d’une carrière « linéaire », qui ont connu la précarité, les périodes de non-emploi, la maladie….

La tendance à la précarisation des journalistes est une tendance lourde soulignée par toutes les enquêtes que ce soient celles effectuées par la Commission de la Carte d’identité des journalistes professionnels (CCIJP) ou l’Observatoire des Métiers de la presse, ou la remarquable étude de la SCAM rendue publique en mars 2019.

Si l’on ne prend en compte que les 34 890 détenteurs de la carte de presse de 2018, on comptait parmi eux 7 833 pigistes (18,8%) auxquels il faut ajouter 3,8% de demandeurs d’emploi et 3,3% de CDD, soit un quart des détenteurs de la carte en situation de précarité.

Cette tendance est attestée par une accession de plus en plus tardive au statut de journaliste permanent bénéficiaire d’un CDI : chez les moins de 35 ans, on compte ainsi une majorité de pigistes (51%).

Il y a 10 ans, le CDI était encore la norme majoritaire (58,8%) pour les premières demandes de carte de presse. Aujourd’hui 37,2% de ces premières demandes concernent des pigistes, devant les CDD à 34,1% et les CDI à seulement 28,3%.

Cette précarisation est bien sûr davantage subie par les femmes. Si elles représentent 47% des détenteurs de la carte de presse, elles ne représentent que 44,6% des CDI mais 53% des pigistes et 55,7% des CDD.

Encore ces chiffres ne concernent-ils que les détenteurs de la carte, de nombreux précaires passant sous les radars des statistiques officielles. Parmi eux, il faut compter les nombreux pigistes dont la faiblesse des revenus ne leur permet même pas d’obtenir la carte, même si la Commission a largement abaissé les critères de revenus permettant sa délivrance (jusqu’à un demi SMIC mensuel dans certains cas). Sans parler des contrats « atypiques » qui font florès dans certaines rédactions.

Il est donc évident, au vu de ces chiffres, que du fait de la seule prise en compte de toute la carrière du salarié, le niveau des pensions va baisser drastiquement, alors que déjà aujourd’hui le niveau de vie des journalistes n’a rien de mirobolant. Si le revenu médian des journalistes en CDI se situe aux alentours de 3.500 euros mensuels, il s’agit d’un chiffre qui masque bien des disparités puisque 11% des journalistes touchent moins que le SMIC annuel (15% des femmes journalistes) et 28% moins de 20 000 euros par an. Chez les pigistes, 23% ont moins que le SMIC annuel et 51% moins de 20 000 euros.

Autant dire que pour beaucoup, l’obtention d’une pension correcte ne pourrait se faire qu’au prix d’un allongement contraint de la durée d’activité. Pour ceux qui en auraient la possibilité toutefois car notre profession ne déroge pas à la règle qui veut que la moitié des salariés faisant valoir leurs droits à la retraite ne sont plus en activité. Et à voir la multiplication des suppressions d’emplois dans la profession, à coups de PDV, de ruptures conventionnelles collectives, de clause de cession, de licenciements collectifs, la tendance ne paraît pas près de s’inverser.  

La suppression des régimes complémentaires et notamment de l’Agirc, auxquel tous les journalistes sont conventionnellement affiliés du fait de leur statut de cadre, risquerait également de se répercuter fortement sur le niveau de leur pension, ce régime complémentaire en assurant aujourd’hui une partie importante.

(sources des chiffres : CCIJP, SCAM, Observatoire des métiers de la presse)