Concentration : la Finance fait main basse sur la presse

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L’été qui s’achève aura été le théâtre d’une accélération sans précédent du mouvement de concentration à l’œuvre dans la presse et de la main mise, désormais quasi-totale, des milieux de la Finance sur l’information dans notre pays. Cette concentration, malgré les menaces qu’elle fait courir sur la liberté de la presse et de l’information, malgré son caractère profondément anti-démocratique, ne semble pourtant pas toucher outre-mesure ceux qui nous gouvernent et qui nous avaient pourtant promis d’y mettre un terme.

Au jeu de Monopoly auquel se livrent quelques grands groupes industriels et financiers et le petit groupe de milliardaires qui les dirige, le grand gagnant de l’été aura été sans contexte le dénommé Patrick Drahi, le président de SFR-Numéricable, 3e fortune de France. En quelques mois – et au prix de dettes astronomiques – ce monsieur s’est taillé un véritable empire de presse multimédia en rachetant d’abord 50% du capital de Libération, puis le groupe Express-Roularta, 5e pôle français de presse magazine. Son groupe Altice MediabIMG_1004[1] (2), domicilié au Luxembourg (bien sûr) a également mis un pied dans la presse professionnelle avec le rachat d’Intescia. Et, cerise sur le gâteau, le milliardaire a signé cet été avec Alain Weil, le patron de Next Radio TV (BFM, RMC notamment) un accord de partenariat lui offrant le contrôle du puissant groupe audiovisuel privé.

Le nouvel empire de Patrick Drahi vient prendre sa place dans un univers de médias déjà largement aux mains des milieux financiers et des affairistes. Parmi eux, figure notamment Bernard Arnault, le patron du groupe de luxe LVMH, qui s’est lui aussi illustré cet été en finalisant, le 29 juillet, le rachat du Parisien – Aujourd’hui en France à la famille Amaury. Première fortune de France, M. Arnault est déjà propriétaire du quotidien économique Les Echos.

Il faudrait encore citer le trio de milliardaires Xavier Niel (Free), Mathieu Pigasse (banque Lazard) et Pierre Bergé, qui ont fait main basse sur Le Monde et le groupe du Nouvel Observateur. Ou Vincent Bolloré qui contrôle Canal +, via Vivendi dont il est président du conseil de surveillance. Mais comment oublier aussi les Serge Dassault (Le Figaro), Martin Bouygues (TF1), Arnaud Lagardère, Bernard Tapie (La Provence), Michel Lucas, l’omnipotent patron du Crédit Mutuel, à la tête du groupe Ebra.

Ce contrôle quasi-total de la presse française par la Finance ne semble pourtant pas émouvoir grand monde dans notre pays, qui fut celui des Lumières et des grandes lois démocratiques, et surtout pas nos dirigeants, pourtant prompts à donner des leçons de démocratie à la Terre entière.

Qui peut sérieusement croire que l’objectif de ces hommes d’argent est de défendre le droit des citoyens à être correctement et librement informés, à bénéficier d’une information pluraliste, complète, indépendante ? Leur objectif, avec la presse comme avec le reste, c’est le profit, la course à la publicité, aux contrôles des contenus multimédias qui permettent d’alimenter les nouveaux supports, notamment la téléphonie. Leur obsession, c’est le retour sur investissement.

A chaque rachat, chaque prise de contrôle d’un média, c’est le même scénario : suppressions d’emplois de journalistes professionnels, course à la « rationalisation » et aux économies, disparition de titres. Ces mêmes gens qui gagnent des milliards sont les mêmes qui nous expliquent à longueur de temps qu’il faut « serrer les budgets », faire des sacrifices, travailler toujours plus, abandonner notre statut et nos acquis.

Quant à la liberté et à l’indépendance des journalistes, parlons-en. Si tous ne font pas comme Bolloré, qui interdit carrément la diffusion d’un reportage mettant en cause les pratiques d’évasion fiscale du Crédit Mutuel, la banque de son ami Lucas, le moins qu’on puisse dire c’est qu’il devient de plus en plus difficile de faire entendre un son de cloche différent du credo libéral qui est celui des nouveaux patrons de presse et qui est déversé à longueur de pages et d’émissions par les médias qu’ils dirigent.