Les syndicats de journalistes reçus au ministère de la Culture

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Les représentants des quatre syndicats représentatifs des journalistes (SNJ, SNJ-CGT, CFDT, SGJ-FO) ont été reçus le mercredi 21 février, à leur demande, au ministère de la Culture et de la Communication par Pierre-Emmanuel Lecerf, directeur adjoint du cabinet de Françoise Nyssen, la ministre.

Cet entretien portait principalement sur la réforme de l’audiovisuel public et sur les entraves et atteintes répétées à l’exercice libre du métier de journaliste depuis l’arrivée du nouveau pouvoir, avec notamment l’annonce d’une loi sur les « fake news ».

Projet de loi « fake news »

Comme il le fait dans tous les autres domaines, le gouvernement veut aller vite pour imposer ce projet de mise au pas des journalistes et il promet une « concertation » avec les organisations syndicales pour mieux imposer ses vues.

D’après Lecerf, le projet sera présenté sous la forme d’une proposition de « loi pour la confiance dans l’information » portée par un député macroniste (on ne sait pas encore lequel).

Il a assuré que ce texte « ne touchera pas à la loi de 1881 » et « ne visera pas des informations produites par des journalistes ».

Le but, a-t-il dit, est d’adapter les outils à la viralité des fausses nouvelles » qui peuvent perturber un scrutin. La loi ne concernera donc que les périodes électorales et uniquement lors des scrutins nationaux.

La loi devrait comporter deux volets : numérique et audiovisuel. Parmi les mesures prévues figure la possibilité donnée au juge d’ordonner en référé l’arrêt de diffusion d’une nouvelle jugée fausse et au CSA de suspendre la diffusion d’une chaîne, notamment si elle est liée « à des intérêts étrangers ». Les grandes plate-formes numériques auront « un devoir de coopération générale » pour la mise en œuvre de la loi et les réseaux sociaux « une obligation de transparence sur les contenus sponsoriés ».

La « concertation » devrait débuter « dans deux ou trois semaines », d’abord avec la Direction des médias du ministère, puis dans le cadre d’auditions par les Commissions de la Culture et des Lois de l’Assemblée nationale.

Au nom de notre syndicat, j’ai mis en garde contre les dangers de ce texte pour la liberté de la presse et des journalises dans notre pays, via notamment une procédure de référé qui inverse la charge de la preuve, et réaffirmé notre attachement à la loi républicaine de 1881 qui prévoit déjà des sanctions en cas de diffusion de fausses nouvelles. Le SNJ-CGT a fait de même.

Réforme de l’audiovisuel public

Selon Lecerf, les premières orientations seront rendues publiques fin mars – début avril dans le cadre du projet Cap 2022 de réforme de l’action publique (qui n’est rien d’autre que la volonté de dynamiter encore plus le service public républicain).

Le projet de loi devrait être déposé « avant la fin de l’année », a-t-il précisé.

Sans entrer dans le détail, il a indiqué que la question du financement relevait de la loi de Finances mais que la question de la redevance devra être traitée dans la réforme, dans un cadre incluant le numérique et en lien avec la réforme de la taxe d’habitation.

Toujours sur le financement, il a exclu le retour à la publicité après 20H00.

La question de la « gouvernance » sera également traitée dans le projet gouvernemental en conformité avec la directive européenne sur les services de médias.

Bien entendu, il y aura une « concertation », un « débat public mêlant les sociétés, les professionnels (dont les syndicats) et les associations représentant le public », a dit M. Lecerf.

Les syndicats (dont le nôtre) avaient déploré auparavant le flou total dans lequel se trouvent aujourd’hui les sociétés du service public et les salariés. Ils ont dénoncé la baisse continue des effectifs et les mauvaises conditions de travail qui en résultent. Ils ont également dit leur opposition aux regroupements et aux fusions, voire aux disparitions de rédactions entières envisagées, mettant en avant les risques d’appauvrissement des contenus et des missions, mais aussi d’affaiblissement du maillage territorial qui en résulteraient.

Ils ont fait part de leurs inquiétudes quant à la constitution de GIE en régions. Concernant le financement de nouvelles TV par les régions (ex en Aquitaine) ils ont affirmé que « l’indépendance rédactionnelle était une ligne rouge qui ne devait pas être franchie ».

Déontologie

La réunion a également porté sur l’application de la loi Bloche et notamment l’obligation faite aux entreprises de négocier des chartes déontologiques d’entreprise.

Le SNJ-CGT à déploré la difficulté de négocier de telles chartes et donc « de faire valoir les droits des salariés », notamment en presse magazine. Il a également défendu la proposition d’une reconnaissance juridique des équipes rédactionnelles (que soutiennent aussi le SNJ et la CFDT).

Pour notre part, nous avons réaffirmé notre opposition à ces chartes maison et réitéré notre demande de voir annexés les textes fixant les droits et devoirs des journalistes à la Convention collective. Nous avons également redit notre opposition à la mise en place d’un quelconque ordre, conseil ou tribunal déontologique, rejoint en cela par la CGT.

Le SNJ et la CFDT ont indiqué qu’ils « ne réclament pas l’institution d’un conseil déontologique mais que si cela doit se faire, ce doit être en accord avec les organisations syndicales et que cette instance n’ait pas pouvoir de sanction sur les journalistes ».

Le 21 février 2018