La situation que nous vivons en raison de la crise du Coronavirus et ses conséquences sur la vie professionnelle et personnelle de chacun est exceptionnelle. Nous devons faire en sorte dans l’immédiat que la protection de chacun soit assurée dans les meilleures conditions et prendre les mesures, y compris au plan syndical, pour que ce ne soit pas encore les salariés et particulièrement les plus précaires d’entre eux qui paient la note.
La sécurité au travail doit être assurée par l’employeur
Cela vaut bien sûr pour les déplacements professionnels qui doivent être limités au maximum et ne pas aboutir à faire courir des risques inconsidérés aux salariés. Les directions doivent énoncer à ce propos des directives claires.
La sécurité et la santé au travail sont de la responsabilité de l’employeur. Si votre employeur décide de maintenir votre activité dans l’entreprise, elle doit garantir que celle-ci s’effectue dans le respect des règles sanitaires exigées par la situation en termes de contacts entre personnes. Cela signifie notamment que les espaces collectifs de travail doivent être aménagés pour permettre le respect des distances de sécurité. Les salariés doivent pouvoir disposer de gels hydro-alcooliques, de désinfectants pour les postes de travail ou les téléphones, de points d’eau et de savon, de masques protecteurs et de gants, afin de pouvoir exercer leur mission d’information dans les meilleures conditions de sécurité.
Elles doivent aussi délivrer à chaque journaliste concerné une attestation de déplacement dérogatoire et non se contenter de dire que « la carte de presse suffit ». Cela signifierait que c’est au journaliste de prendre, seul, la décision de sortir ou non en reportage et d’en assumer les conséquences, ce qui est impensable. De la même manière que l’organisation des reportages ne peut se faire sur la base du « volontariat ».
La mise en place des mesures de sécurité et de règles claires, les conditions dans lesquelles vous êtes amenés à travailler peuvent être l’objet d’une réunion extraordinaire du CSE. N’hésitez pas à la réclamer. Il suffit que deux élus au CSE le demandent pour obtenir la tenue d’un CSE consacré aux questions de santé, de sécurité et de conditions de travail, sous peine que l’employeur soit reconnu coupable d’entrave.
On peut également réclamer, un suivi par la Commission ad-hoc du CSE : la CSSCT.
Droit de retrait
Dès lors qu’il est constaté des défectuosités dans les systèmes de protection des salariés, il est tout à fait possible d’utiliser individuellement ou collectivement son droit de retrait. Celui-ci est défini par l’article L4131-1 du Code du Travail.
Il permet au salarié d’alerter l’employeur de toute situation de travail dont il a un motif raisonnable de penser qu’elle présente « un danger grave et imminent » pour sa vie ou sa santé ainsi que de toute défectuosité qu’il constate dans les systèmes de protection. Il peut se retirer d’une telle situation.
Attention toutefois, la seule existence du risque ne suffit pas, il faut qu’il y ait « défectuosités dans les systèmes de protection ».
L’employeur ne peut demander au travailleur qui a fait usage de son droit de retrait de reprendre son activité dans une situation de travail où persiste un danger grave et imminent. Aucune sanction, aucune retenue de salaire ne peut être prise à l’encontre d’un travailleur ou d’un groupe de travailleurs qui ont fait jouer leur droit de retrait.
Comment exercer son droit de retrait ?
C’est un acte individuel qui peut être exercé collectivement (un groupe de travailleurs).
Il faut alerter l’employeur. Un écrit n’est pas obligatoire, mais il vaut mieux laisser une trace.
Chômage partiel : les salariés ne doivent pas y perdre
Si votre entreprise a recours au chômage partiel, elle est tenue de vous verser une indemnisation à hauteur de 70% du salaire brut (soit 84% du salaire net). Le gouvernement a déjà annoncé que l’Etat remboursera l’employeur à 100 % de cette indemnisation pour tous les salaires inférieurs à 4,5 SMIC, ce qui représente près de 95 % des salaires ». Au-dessus, le différentiel est complètement à la charge de l’employeur. Les indemnités d’activité partielle versées par l’employeur à ses salariés ne sont assujetties ni à la taxe sur les salaires, ni aux cotisations de Sécurité sociale.
Le SGJ-FO considère pour sa part que tous les salariés placés en chômage partiel ne doivent pas perdre un centime d’euro et bénéficient du maintien intégral de leur rémunération nette. Ils incitent ses représentants, dans les entreprises concernées, à revendiquer ce maintien et à obtenir de leurs employeurs des engagements clairs en ce sens. Ils en ont parfaitement les moyens avec la prise en charge accordée par l’Etat.
Garde d’enfants : vous avez droit à l’arrêt de travail
Vous êtes nombreux à expérimenter depuis quelques jours la garde des enfants, suite à la fermeture des établissements scolaires et des crèches. Nous rappelons donc que les salariés ayant un ou plusieurs enfants de moins de 16 ans peuvent bénéficier d’un arrêt de travail indemnisé, « si une solution de télétravail n’a pu être organisée ».
Nous considérons pour notre part que la garde des enfants, surtout en bas âge, est le plus souvent incompatible avec le télétravail.
Nous appelons les journalistes qui doivent garder leurs enfants à privilégier l’arrêt de travail auquel ils ont droit pour un délai de 20 jours maximum pour l’instant. C’est à l’employeur d’en faire la demande qui s’effectue de manière simplifiée auprès de l’administration.
En cas d’arrêt de travail vous avez droit, quelle que soit votre ancienneté, à une « indemnité complémentaire” versée par l’employeur, en plus de l’allocation journalière de la Sécurité sociale (50 %). Le montant de cette indemnité complémentaire permet d’assurer 90 % de la rémunération brute que le salarié aurait perçue s’il avait continué à travailler, indemnité de Sécurité sociale comprise (article D1226-1 du Code du Travail).
Comme pour les salariés en chômage partiel, le SGJ-FO demande que l’indemnité complémentaire versée par l’employeur permette de maintenir à 100% le revenu net mensuel.
Télétravail : fixer des règles
Le recours au Télétravail, massif depuis la mise en place des mesures de confinement, y compris dans des entreprises où il n’existait pas d’accord sur la question, doit se faire dans le respect de règles claires, qui peuvent là encore être examinées par les CSE.
Ces règles doivent concerner les amplitudes horaires, les temps de pause et la charge de travail, la mise à disposition du matériel nécessaire, le maintien de tous les éléments de rémunération (primes de transport notamment).
Il est hors de question de voir la crise sanitaire actuelle servir de prétexte à la mise en place, via le télétravail, d’une organisation du travail de plus en plus dérégulée.
Pigistes et précaires : exigeons des garanties
Les journalistes rémunérés à la pige doivent bénéficier des mêmes mesures de protection et des mêmes garanties sur le maintien de leur activité et de leurs revenus que leurs collègues. Cela signifie notamment qu’ils ne doivent pas être envoyés – au nom du « volontariat » – sur des reportages ou couvertures que leurs collègues permanents auraient refusé d’effectuer pour des raisons de sécurité. Cela va de soi mais il n’est pas inutile de le rappeler.
La baisse de l’activité de tous les médias ne doit pas servir de prétexte à ce que les pigistes, déjà peu rémunérés voient leurs revenus réduit à néant. Ils doivent donc pouvoir bénéficier des mêmes dispositifs de maintien du salaire que les confrères, qu’ils soient au chômage partiel, ou en arrêt de travail pour garde d’enfants. Le SGJ-FO estime pour sa part que le revenu de référence soit calculé sur les 12, 24 ou 36 derniers mois, selon la formule la plus favorable. Il exige également pour ceux qui sont au chômage partiel le versement de 100% de ce salaire de référence.
En ce qui concerne les CDD dont le contrat viendrait à échéance durant la période de baisse d’activité, les directions doivent leur apporter des garanties en matière d’emploi et de rémunération.
Pas de congés payés imposés
Pour réduire le recours au chômage partiel, des entreprises pourraient être tentés de contraindre les salariés à prendre leurs congés payés. FO, mais également toutes les autres confédérations syndicales, ont protesté contre cette dérive.
Les congés payés constituent un droit au repos et les imposer durant une période où le salarié n’est pas totalement libre de ses mouvements serait contraire au droit européen.
Si pendant la fermeture de l’entreprise l’employeur veut placer les salariés en congé d’office, il devra recueillir l’avis conforme du CSE.
L’employeur peut déplacer des congés déjà posés par un salarié sur une autre période, compte tenu des circonstances exceptionnelles en application de l’article L. 3141-16 du code du travail. En revanche, si le salarié n’a pas posé de congés, l’employeur ne peut les imposer.
De la même manière, il ne peut contraindre un salarié à un départ en congé anticipé (départ avant la période légale) sans avis conforme du CSE et l’accord individuel de chaque salarié.
Concernant les jours de RTT, l’employeur ne peut les utiliser à sa guise que si un accord de branche ou d’entreprise prévoit de fixer des JRTT à la libre disposition de l’employeur.
Maintien des postes et des effectifs
La baisse d’activité de nombreux titres de la presse française, déjà en situation difficile, nous fait craindre dans l’immédiat ou à terme de nouvelles suppressions d’emplois, voire de titres. Nos employeurs c’est certain ne manqueront pas d’arguments pour justifier de nouveaux mauvais coups : baisse de leur trésorerie, de leurs revenus publicitaires ou de la crise de la distribution qu’ils ont eux-mêmes organisée.
Nous leur répondons que ce n’est pas aux journalistes, permanents, pigistes ou précaires, de payer aujourd’hui comme demain, la note du coronavirus qui nous affecte déjà tant dans nos vies personnelles.
Nous exigeons que cette crise ne soit pas le prétexte à de nouvelles réductions d’effectifs, à la fermeture de services, à la disparition de journaux.
D’aucuns font semblant aujourd’hui de se rappeler que le service public de santé, qu’ils ont systématiquement contribué à détruire toutes ces dernières années, ignorant superbement les cris d’alarme et les revendications portés par les professionnels du secteur, est un élément vital dans une démocratie digne de ce nom.
Les dirigeants de la presse française seraient bien inspirés de se rappeler à leur tour qu’une presse digne de ce nom, vivante, pluraliste, non soumise à la destructrice logique du profit, est également essentielle dans une démocratie digne de ce nom. Et que pour vivre elle a besoin de journalistes.
Maintien de tous les titres, de tous les emplois. Non aux suppressions de poste et aux licenciements. Maintien de nos droits et de nos salaires !