Infopro Digital : deuxième grève en un mois pour les emplois et les conditions de travail

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Le vendredi 15 janvier, les journalistes d’Infopro Digital ont observé un mouvement de grève massivement suivi. Cette grève faisait suite à celle, tout aussi massive, observée le 14 décembre dernier par les journalistes du Moniteur, une des entités du groupe, à l’appel notamment du SGJ-FO et de ses représentants dans l’entreprise. Face à une direction qui reste sourde à leurs demandes, les salariés du groupe ne demandent qu’une chose : les moyens humains et matériels d’effectuer leur métier de journalistes dans des conditions acceptables.

Le SGJ-FO apporte son soutien total aux salariés d’Infopro Digital et à ses représentants qui y mènent un combat exemplaire.

Vous trouverez ci-dessous de larges extraits de la lettre adressée à la direction par la grande majorité du personnel et ses représentants. Une lettre qui « parlera » sans doute à nombre de consoeurs et de confrères, tant les problèmes soulevés sont ceux de nombreuses rédactions.

« En ce début d’année, nous, journalistes des rédactions du pôle presse d’Infopro Digital, souhaitons (…) que cette nouvelle année soit l’occasion pour le groupe de refonder sa politique éditoriale, en accordant aux équipes les moyens d’assurer la qualité des publications.

En effet, 2020 a été une année particulièrement complexe. Au-delà de la pandémie, qui a chamboulé les habitudes de toutes et tous, nous avons été mis encore plus à l’épreuve par le silence que vous avez opposé à nos demandes pourtant légitimes.

Ainsi, les journalistes d’un titre-phare comme Le Moniteur tirent en vain la sonnette d’alarme pour vous alerter sur les conséquences d’un sous-effectif chronique, du non-remplacement de postes vacants, d’une baisse continue des moyens. Ils n’en peuvent plus de voir la qualité du magazine et du site internet s’amenuiser et leurs conditions de travail se dégrader dangereusement. Une situation qui a mené la quasi-totalité de cette rédaction à la grève le14 décembre dernier.

La façon dont vous ignorez ces demandes ne laisse d’autre choix que de réduire la pagination de l’hebdomadaire Le Moniteur, alors même que le tarif des abonnements ne cesse d’augmenter. Cette attitude, méprisante pour les journalistes, est une insulte à l’intelligence du lectorat et de toute la communauté qui suit et participe à nos événements, formations, etc.

Mais il n’y a pas qu’au Moniteur que cette érosion des moyens humains inquiète fortement.

L’ensemble des rédactions d’Infopro Digital, que ce soit dans tout le Groupe Moniteur, chez ETAI, chez Territorial ou chez Gisi, partage ce triste constat.

La rédaction de L’Usine nouvelle a vu un nouveau poste supprimé en 2020, après une dizaine ces dernières années, et a dû opérer en quatre mois fin 2020, à marche forcée, un passage de l’hebdomadaire en mensuel, décidé sans concertation et sans justification valable mais entraînant une surcharge de travail et des inquiétudes légitimes quant à la pérennité de l’emploi et l’avenir du titre.

Alors que le fonctionnement même de nos rédactions s’appuie sur l’expertise de nombreux journalistes pigistes spécialisés, les budgets dédiés à leur travail, en textes, photos, dessins, sont en diminution constante. Vous refusez obstinément de prendre en compte leur cas dans les négociations collectives depuis de nombreuses années.

Pour les équipes permanentes – rédacteurs, secrétaires de rédaction, iconographes, maquettistes -, la charge de travail augmente mécaniquement à chaque baisse des budgets piges et des non-remplacements de postes… Pour ne prendre que l’exemple du Groupe Moniteur, le nombre de journalistes est passé de 140 à 105 entre 2013, date à laquelle Infopro Digital l’a racheté, et 2020. Le nombre de pigistes réguliers a, lui, chuté de 30% en dix ans.

A tout cela s’ajoute la suppression pure et simple de titres parfois historiques, parce qu’ils ne remplissaient pas ou plus vos critères de marge à 17%, parfois en 24 heures, sans préavis, alors que les équipes travaillaient à la sortie du prochain numéro (Paysages Actualités). La fermeture récente du Journal de l’Environnement est indigne d’un leader de la presse professionnelle, comme l’ont été avant elle les disparitions de Paysages Actualités, du Moniteur Export, et d’autres titres de grande expertise sectorielle. Rappelons que Le Journal de l’Environnement et Paysages Actualités ont été supprimés sans être revendus, ce qui ne respecte en aucune façon leur lectorat.

Autre sujet d’inquiétude majeur, les rédactions constatent des atteintes de plus en plus fréquentes à la déontologie de leur profession. Chez Infopro Digital, la frontière entre entreprise de presse et entreprise de services, entre journalisme et communication, s’efface inexorablement. Publications de communiqués, articles vendus aux collectivités pour la rubrique Territoires et Talents dans la Gazette, études sponsorisées, qui sont produits non pas par des journalistes, mais par des prestataires extérieurs ou la filiale Infopro Stories, créent une confusion des genres très préjudiciable pour nos lecteurs. Nous devons nous justifier de plus en plus souvent auprès d’interlocuteurs sceptiques sur notre statut, en leur expliquant la différence entre journalisme et contenus sponsorisés.

L’ensemble de ces choix stratégiques entraîne des conditions de travail alarmantes: horaires à rallonge, surcharge de travail, perte de sens, stress… En résulte une augmentation manifeste des cas de burn-out et des arrêts maladie. Or nous avons besoin de conditions de travail dignes. Aujourd’hui, faute de moyens et de ressources matérielles adéquates (confort de travail, logiciels problématiques), la production des magazines ne tient qu’au professionnalisme de journalistes qui se dépassent pour sauver leurs titres, qui sont aussi les vôtres…. ».