Liberté de l’information: le bal des «faux-culs»

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S’il en est qu’on a pas du tout entendu depuis le début de la mobilisation contre la loi sur la sécurité globale ce sont bien les patrons, actionnaires et dirigeants de la presse française. Sans doute étaient-ils trop occupés à profiter de la crise sanitaire pour glaner quelques subsides d’Etat supplémentaires, accentuer leur entreprise de concentration capitalistique des médias ou plus trivialement continuer à supprimer des emplois à coups de plans de départs volontaires ou de PSE.

Et voilà que ceux-là mêmes qui n’avaient rien trouvé à redire contre la loi protégeant le secret des affaires, contre la loi sur les fake-news, qui avaient à peine protesté quand leurs journalistes étaient victimes de violences policières ou d’entraves au libre exrecice de leur métier et encore moins porté plainte, se sont soudain réveillés fin mars!

Dans une tribune publiée dans la presse quotidienne, quelques 300 dirigeants des médias lancent un appel à protéger la liberté d’information et réclament un débat de société sur les relations entre la population et les journalistes afin que ceux-ci soient mieux protégés dans leur mission.

Partant du constat que depuis 2015, les journalistes sont de plus en plus pris pour cibles, ayant à subir insultes, menaces, agressions physiques, dégradations de bien, ou incitation à la haine sur les réseaux sociaux, ils appellent à dire stop à l’impunité et réclament «une réponse pénale ferme et adaptée» contre les auteurs de ces actes.

Nous, journalistes, ne sommes pas preneurs d’un nouveau durcissement des peines ou d’une nouvelle loi répressive. Nous ne le voulons pas car ce n’est pas la réponse à donner à un problème qui renvoie à bien d’autres causes, et notamment à la façon dont ces mêmes dirigeants conçoivent l’information et considèrent eux-mêmes leurs journalistes.

Comme l’écrivent nos camarades de la section SGJ-FO de l’Union-l’Ardennais, «cette liberté d’agir est tout autant malmenée par le contrôle interne exercé sur les journalistes, par le profilage des entrants, par l’exploitation sur-abondante des faits divers, par la culture du résultat et un management qui jusque là a peu considéré comme essentiel l’état de santé des journalistes».

La liberté de l’information est aussi malmenée par la paupérisation et la précarisation dont sont victimes les journalistes, par les suppresssions de postes à répétition qui vident les rédactions, par les fermetures d’agences qui éloignent les journalistes des lecteurs, par la détérioration grandissante des conditions de travail, l’empilement des tâches et des supports, par un polyvalence devenue la norme…

Nous avons toujours considéré au SGJ-FO que la liberté d’informer et un journalisme de qualité au service des citoyens ne pouvaient pas exister sans droits sociaux et économiques qui permettent aux journalistes de faire leur métier correctement.

Pas à une tartufferie près, nos éditeurs s’en prennent également aux réseaux sociaux qu’ils accusent d’être le principal vecteur de la haine contre les journalistes. Mais ne sont-ce pas ces mêmes éditeurs qui pour la diffusion de leurs contenus contre quelques retombées publicitaires ont contribué à faire de ces mêmes réseaux ce qu’ils sont aujourd’hui.

Enfin, et il ne faut pas le taire, il y a une certaine indécence à utiliser pour les besoins de sa communication l’ignoble agression dont a été victime à Reims notre confrère Christian Lantenois, photojournaliste à l’Union. Aujourd’hui sorti de réanimation, il souffre de lésions neurologiques graves. Ce même confrère auquel les dirigeants de l’Union avait dénié la reconnaissance de son travail en lui refusant à la veille de sa retraite un passage à l’échelon supérieur. Ceux et leurs semblables qui se sont permis cela n’ont pas le droit d’exploiter son agression au service de leurs intérêts de boutiquiers.