Cession de Paris-Turf : les pigistes méprisés et sacrifiés

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Le séisme qui a ébranlé l’édifice Paris-Turf a révélé l’ignorance, voire la malveillance, qui préside à la prise en compte des pigistes. Le jugement du tribunal de commerce de Bobigny du 30 juin 2020 qui a attribué la cession du groupe à NJJ Presse s’appuie notamment sur le fait que les offres étaient sensiblement équivalentes au niveau social. L’autre candidat repreneur, Riccobono, reprenait 4 titulaires de plus que Xavier Niel, et, surtout, l’intégralité des pigistes, là où 20 sont sacrifiés dans le projet retenu.

Dans son rapport, l’administrateur a relativisé cette différence de 20 postes, au prétexte que le temps de travail des pigistes était variable. L’administrateur n’a donc pas pris la peine de s’intéresser à ce mode de rémunération qui vise non pas le temps de travail, mais le nombre de tâches. Passons cette méconnaissance grotesque. Car, plus grave encore, l’administrateur n’a même pas fait le travail élémentaire de calculer des équivalents temps pleins.

Au sein du groupe Paris-Turf et en se référant au minimum de branche, on peut affirmer que les pigistes représentent environ 40 équivalents temps pleins. Cela signifie que les 20 postes repris en plus dans l’offre Riccobono correspondaient potentiellement (et rien ne permet d’affirmer que la réalité aurait été différente) à 8 équivalents temps pleins. Ne pas les avoir pris en compte revient à mépriser ces salariés à durée indéterminée dont la seule distinction légale est le mode de rémunération.

D’ailleurs, on ne peut que s’interroger sur les dossiers constitués par les administrateurs : de quel droit ont-ils exclus les pigistes de la catégorie des journalistes ? Les uns, comme les autres, peuvent s’estimer lésés par l’application des critères d’un PSE, qui discrimine les uns ou les autres au seul motif d’un mode de rémunération différent. On arguera qu’un accord unanime des syndicats a validé ce PSE. C’est oublier que la signature unanime était la condition imposée par les administrateurs pour que l’abondement apporté par les repreneurs soit ventilé d’une manière qui convienne aux organisations syndicales.

Après jugement, les organisations syndicales constatent qu’une partie des pigistes du groupe, rémunérés par la société ID Editions, ont tout simplement été occultés dans la procédure. Jamais il n’a été donné la possibilité aux représentants du personnel de défendre leurs intérêts. Aujourd’hui, rien ne leur est proposé. Ils ne sont même pas sur les listes de salariés licenciés, alors que le repreneur ne les a pas repris. Cette situation n’est plus tolérable. Cette faculté, offertes aux éditeurs et agences de presse, ne peut perdurer que s’ils respectent leurs obligations légales.